Tour de Bourgogne à vélo

Veille de départ - Mercredi 7 juin 2017

Cette année, pas de grande randonnée pédestre. J'avais pourtant imaginé, et même un peu préparé, plusieurs périples, de moins en moins exigeants physiquement : traversée des Alpes de Briançon à Menton, tour du Vercors à partir de Grenoble, tour du Morvan à partir d'Avallon, remontée de la Seine de Paris à sa source. Mais mon genou gauche et mes lombaires m'ont imposé de renoncer successivement à ces beaux projets.

J'ai donc dû me tourner vers le vélo, sport porté qui épargne le dos et dont le pédalage en ligne ne tord pas les genoux. Quelques recherches m'ont permis de découvrir que la région française comportant le plus grand réseau de voies vertes et véloroutes était la Bourgogne et je me suis fixé sur une boucle d'environ 700 km qui présente peu de dénivelés car elle emprunte pour l'essentiel des chemins de halage le long de plusieurs canaux. C'est donc un parcours qui semble adapté à mon état physique actuel. Je compte l'effectuer sur les 2 semaines que Marie-Claude m'a accordées (merci à elle), ce que je considère comme tout à fait raisonnable...

Ce "tour de la Bourgogne en suivant les voies d'eau" présente aussi l'avantage d'être facile à organiser, grâce notamment à la société Vélibourgogne qui permet de louer des vélos dans une dizaine de "véli'stations". On peut même prendre possession de son vélo dans une de ces stations et le rendre dans une autre, mais j'espère bien ne pas utiliser cette possibilité en effectuant toute la boucle.

J'ai décidé de commencer mon aventure à Migennes, tout simplement parce que c'est la ville du parcours la plus proche de Paris, desservie en 1h30 par un TER à partir de la gare de Paris Bercy. Et voilà pourquoi je me trouve ce soir à l'hôtel... Paris Bercy, dont la seule qualité est d'être très proche de la gare !

Mon vol de jour en avion depuis La Réunion s'est bien passé, même si j'ai dû fréquemment déambuler dans les couloirs pour soulager mon dos. Le documentaire de Bertrand Tavernier "Voyage à travers le cinéma français" m'a bien occupé pendant 3h15. Il ne concerne en réalité que quelques cinéastes, sur une période allant de Jacques Becker à Claude Sautet, mais c'est intéressant, et même passionnant.

La fin du voyage ne fut pas des plus agréables dans des transports en commun bondés, Orly Bus au ralenti dans les bouchons, puis tram (qui n'existait pas du temps de ma jeunesse étudiante et que je n'avais jamais pris), tout le temps debout en équilibre instable. Mais j'interprète comme un bon signe le fait que personne ne m'ait proposé de me céder sa place assise ! Finalement, il me tarde d'être à demain aux bords de l'Yonne...

La trace du parcours prévu


Etape 1 - Jeudi 8 juin 2017 - 29 km
De Migennes à Auxerre

J'ai vu défiler ce matin, pendant la première demi-heure dans le TER, les paysages de ma jeunesse et les villes de ma scolarité, Combs la Ville pour le collège, Melun pour le lycée, Fontainebleau pour la math-sup : un retour assez fulgurant sur le passé, un trop-plein de souvenirs en si peu de temps...

Au delà, la voie ferrée quitte la Seine pour suivre la vallée de l'Yonne. Le relief devient un peu plus vallonné. Je constate à nouveau que, dès que l'on s'éloigne des villes, la France est verte, de toutes les nuances du vert, et c'est simplement beau.

J'arrive à Migennes à 9h alors que la vélistation, hébergée par l'office du tourisme, n'ouvre qu'à 9h30, mais c'est jour de marché. Un petit tour s'impose et me ravira. Les fruits et légumes de printemps, pour le plupart produits localement, font envie. Je m'achète seulement, pour un euro, quelques cerises de l'Yonne, de la variété Burlat, et je vais les déguster illico sur un banc au bord du Canal de Bourgogne.

À 9h30 précises, je prends possession de mon vélo qui m'attendait, livré la veille et réglé à ma taille : efficace, Vélibourgogne ! Il semble en bon état, presque neuf, solide. Les sacoches sont grandes, neuves, de bonne qualité ; je parviens facilement à y caser toutes mes affaires. Un problème cependant : c'est un simple plateau, avec seulement 6 vitesses : cela risque d'être un peu juste dans les montées. À suivre...

Le départ de Migennes est assez cocasse : la trace enregistrée de mon parcours, confirmée par l'employée de l'office du tourisme, me fait passer par le tunnel sous les voies ferrées ; mais cela oblige à emprunter des escaliers ; pas évident avec un vélo alourdi à l'arrière à tel point que je ne refuserai pas l'aide d'une dame compatissante à la sortie !

En réalité, il n'y a pas (encore ?) de véloroute officielle entre Migennes et Auxerre, et donc aucune signalétique. Du coup, il faut soit s'arrêter assez souvent pour vérifier la trace sur la tablette (un peu pénible), soit avancer au flair (un peu risqué). Il en résultera quelques petits égarements, mais sans grande conséquence (29 km parcourus au lieu des 25 prévus) pour ce que je considère comme une demi-étape de mise en route.

Sur cette portion, l'Yonne elle-même est navigable et il n'y a qu'un petit tronçon de canal pour court-circuiter quelques méandres. Le parcours est plaisant, alternant chemin de halage en plus ou moins bon état et petites routes très peu fréquentées. Malheureusement, les écluses sont automatisées et les maisons d'éclusiers pour la plupart désaffectées.

À Gurgy, je résiste stoïquement à l'appel du Restaurant de la Rivière, pourtant bien sympathique, et poursuit jusqu'à Monéteau pour un très léger pique-nique sous un beau saule pleureur au bord de l'eau. Mais je m'offrirai quand même une Leffe pression suivie d'un café au bar du village.

Je ne tarde pas trop cependant pour arriver tôt à Auxerre et passer à la Maison du Vélo, qui est la maison mère de Vélibourgogne. Et ce que j'espérais fut possible : me voilà maintenant avec un vélo à 21 vitesses, ce qui me rassure pour la suite...

Ma chambre d'hôte du soir s'appelle Les Pensées Douces : une bonne nuit m'attend donc sûrement, après une petite visite de la ville et un bon repas.

Au départ de Migennes

Chemin de halage parfois étroit



Le canal rejoint l'Yonne


Ecluse automatisée


Passage délicat à vélo


Mon lieu de pique-nique


Cygne sur le canal


Arrivée à Auxerre


La Maison du Vélo

La trace du jour


Etape 2 - Vendredi 9 juin 2017 - 51 km
De Auxerre à Lucy-sur-Yonne

Auxerre est une ville chargée d'histoire, agréable à visiter, mais dont le glorieux passé chrétien n'est plus une garantie de prospérité. Le nombre relativement important de boutiques fermées et de maisons à vendre atteste d'un lent déclin.

Mes hôtes d'hier soir forment un couple soudé et complice assez particulier, un célibataire gros bébé de 40 ans et sa maman de bientôt 70 ans. Leur maison est vétuste et mal tenue, les avis négatifs sur TripAdvisor se multiplient, les clients se font rares. Ils sont un peu en perdition à l'image de leur ville et ils m'ont fait part de leurs problèmes sans retenue, et même sans pudeur. Cela dit, le jambon à la chablisienne était très bon (j'ai la recette) et le matelas aussi.

Ce matin, la pluie annoncée par la météo est bien là au réveil et pendant le petit-déjeuner. Je me prépare en conséquence, mais la première averse est terminée à mon départ. Ce n'est que partie remise et j'aurai à essuyer plusieurs courtes giboulées au cour de la matinée : un peu désagréable mais sans plus ! Mon réconfort viendra d'une pause dans un snack sympathique, dans un cadre arboré au bord de l'Yonne, avec un simple steak-frites (bonne viande, mais frites surgelées), une bière, une tarte tropézienne, un café... et un petit Ninas ! Moi qui n'avait plus fumé depuis une dizaine d'années, je me suis acheté hier un paquet de 10 cigarillos...

J'ai entrepris aujourd'hui la remontée du canal du Nivernais qui relie l'Yonne à la Loire et que je compte parcourir en un peu plus de 3 jours. Au début, ce n'est qu'un aménagement de la rivière avec déversoirs et écluses. Et puis, le canal devient autonome sur des tronçons de plus en plus longs. C'est une dizaine de kilomètres après Auxerre que débute une vraie voie verte, réservée aux cyclistes et aux piétons, empruntant l'ancien chemin de halage, avec un enrobé très correct et une bonne signalétique. Un itinéraire facile donc, même si on ne peut jamais s'arrêter de pédaler : revers de la platitude, il n'y a aucune descente !

Les écluses sont actionnées manuellement, mais les éclusiers ont disparu ! Leurs anciennes maisons sont à l'abandon ou ont été vendues à des particuliers. Comme le maniement des écluses ne peut pas être assuré par les plaisanciers eux-mêmes "pour des raisons de sécurité", il a donc fallu créer des emplois saisonniers pour occuper la fonction et implanter des sortes de petites cahutes pour les protéger ! Je tiens ces informations de mes observations et d'interviews menées, à chaque écluse ou presque, en posant, comme il se doit pour une bonne enquête, les mêmes questions dans les mêmes termes ! En ce mois de juin, la majorité de ces éclusiers des temps modernes est constituée par des étudiants, avec un contrat d'un mois, qui ont tout le temps de réviser dans la mesure où il ne passe qu'autour de 5 bateaux par jour.

Les paysages sont agréables, avec alternance de champs de blé, de zones boisées et de prés où se repaissent de blanches charolaises. Quelques villages se laissent admirer sur une colline, Cravant ou Châtel-Censoir par exemple. Et je suis passé, juste en un moment d'éclaircie bienvenu pour les éclairer, aux pieds des beaux Rochers du Saussois, célèbre spot d'escalade.

Je suis ce soir au Clos de Lucy, chambres et table d'hôte de meilleure réputation que celle d'hier ! Bon accueil et chambre agréable en effet. J'ai fait ma première lessive selon ma technique habituelle. Et demain, le temps sera peut-être meilleur (selon la météo), mais l'étape sûrement plus longue (en raison du prochain hébergement réservé)...


A Auxerre

La voie verte le long du canal

Route barrée ?

Route vraiment barrée !



Une étudiante révise dans sa guérite en attendant la prochaine péniche

L'Yonne n'est plus navigable

Les Rochers du Saussois


La trace du jour


Etape 3 - Samedi 10 juin 2017 - 67 km
De Lucy-sur-Yonne à Bazolles

Hier soir, la propriétaire du Clos de Lucy, en voyage, avait confié à son amie Mary, d'origine anglaise, le soin de m'accueillir. Si le repas fut assez basique, la conversation fut très fournie. Je pourrais consacrer tout un article à la vie de Mary qui vit maintenant seule sur un bateau, à 70 ans passés, après le décès accidentel de son dernier compagnon. Elle reste très active et positive. C'est une belle personne. Il ne lui reste qu'à apprendre la cuisine française !

Et aujourd'hui, le grand bonheur : itinéraire en quasi totalité sur voie verte et sous ciel bleu. Ce matin, j'atteins rapidement Clamecy, belle petite ville dont je parcours à pied, en poussant mon vélo, les ruelles pentues de la zone piétonne. Comme à Migennes, je tombe sur un jour de marché et je me régale d'un euro de Burlat. La halle est un beau bâtiment, avec une étonnante voûte en petites briques. En revanche, au bas de la ville, se trouve une affreuse église tout en béton dont le dôme menace de s'effondrer.

Après les éclusiers, j'ai tenté de m'intéresser aux pêcheurs, mais sans grand succès : ceux que j'ai abordés n'étaient pas disposés à engager de grandes conversations : ils étaient clairement là pour avoir la paix ! Quant aux plaisanciers, promeneurs ou autres cyclistes, on ne fait qu'échanger un bonjour ou se saluer d'un signe de tête ou de la main.

Peu de contacts donc mis à part un trio de promeneurs et la serveuse du restaurant-bar de l'Ecluse de la Môme (hommage à Edith Piaf pour une raison que je n'ai pas comprise) où je me suis laissé tenter par une salade de gésiers, une tarte à la rhubarbe et ma Leffe pression quotidienne. Pas de petit cigare car j'ai déjà mal à la gorge : il va falloir que je songe à arrêter de fumer !

Au redémarrage, alors que le soleil m'étourdit un peu (ou est-ce la bière ?), un troupeau de toujours blanches charolaises me nargue en faisant une bonne sieste à l'ombre d'un chêne. Je parle souvent des vaches (mon côté viandard sans doute !), mais j'ai pu voir aussi aujourd'hui un chevreuil sur la berge opposée au halage, plusieurs hérons exécutant de jolis vols planés au ras de l'eau, une buse décollant d'un arbre pour aller flirter avec le canal, et, comme les jours précédents, des cygnes et des canards concentrés près des zones habitées.

En se rapprochant du bief de partage (section la plus haute du canal), la distance entre les écluses diminue (on parle d'échelle d'écluses). Il y a même une écluse double : la porte amont de l'une est aussi le porte aval de l'autre. Au sommet, le canal passe dans plusieurs petits tunnels successifs que les vélos ne peuvent pas emprunter. La voie verte fait alors un petit détour par la forêt que j'ai prolongé un peu pour aller voir les étangs de Vaux et de Baye qui sont des sources d'alimentation du canal.

Et justement, ma maison d'hôte de ce soir s'appelle Aux Étangs. L'autre chambre est occupée par un trio de pêcheurs mâconnais venu participer à un concours sur un parcours autour des étangs. Demain, je vais quitter le versant Yonne pour redescendre sur le versant Loire. Le temps s'annonce aussi beau qu'aujourd'hui et mon corps tient encore le coup...




A Clamecy, la hideuse église en béton...

... et la belle halle abritant le marché

La voie verte parfois à l'ombre

Les charolaises

Maison éclusière réhabilitée en bistrot...

... ou à l'abandon

Le bief de partage

Le canal passe en tunnel

L'Etang de Baye

La trace du jour


Etape 4 - Dimanche 11 juin 2017 - 54 km
De Bazolles à Cercy-la-Tour

La soirée d'hier fut bien agréable sur la terrasse de Mireille qui se fait appeler Mumu. Il faut dire qu'elle a tout d'une titi parisienne avec la gouaille d'Arletty dans Hôtel du Nord. Après 15 ans "dans la restauration" à Paris, elle est venue s'installer il y a 10 ans à Bazolles pour rejoindre son homme, boulanger du village. Elle nous a fait de bonnes et copieuses brochettes d'onglet de bœuf en s'attachant à respecter la cuisson désirée par chacun. La conversation a tourné autour des concours de pêche (qui permettent surtout de voyager), du VTT (la passion du couple de campeurs qui nous a rejoint pour le dîner)... et des randonnées à La Réunion.

Aujourd'hui, le très beau temps annoncé est bien là. Les rayons du soleil matinal produisent de magnifiques reflets dans les eaux du canal. En m'amusant à fixer mon regard uniquement sur le canal pendant quelques minutes, je parviens à perturber mon cerveau qui me perçoit la tête en bas. Mais je ne recommence pas ce jeu un peu dangereux sur un vélo !

Je fais de nombreuses pauses pour faire des photos, délasser mes fesses et mon dos, entamer plusieurs discussions avec des pêcheurs (nombreux en ce dimanche et moins renfrognés que ceux d'hier). Certains gèrent à la fois 3 ou 4 cannes à pêche, mais l'avis général est que "ça mord pas". Ils espèrent surtout attraper un sandre, si possible de belle taille, la pêche à d'autres espèces comme le brochet n'étant pas ouverte.

Peu avant Châtillon-en-Bazois, le canal rejoint la vallée de l'Aron qu'il va maintenant suivre jusqu'à la Loire. La rivière sauvage et le sage canal se suivent de près et s'unissent sur certains sections appelées râcles. Après Châtillon, ils s'engagent dans une longue série de méandres. La voie verte, qui reste en rive droite du canal et en lisière de forêt, se trouve ainsi tour à tour au soleil et à l'ombre, ce qui me procure d'agréables sensations.

Châtillon est un ville-rue sans charme particulier (à part peut-être son château) dont les habitants ne semblaient pas très souriants au sortir du bureau de vote. La base nautique était plus animée avec plusieurs bateaux au départ pour une nouvelle semaine de navigation, certains partant vers la Loire, d'autres vers l'Yonne. C'est "moitié-moitié" selon un couple de retraités habitant sur place.

Après les méandres, je m'octroie une pause pour un pique-nique très frugal : tranches de saucisson sur TUC. Pas de bière à midi, mais, un peu plus loin, à Panecot, je ne résisterai pas à l'appel pressant d'une guinguette au bord de l'eau et ce sera une part de tarte aux cerises et un café.

La fin du parcours est plus rectiligne, l'ombre est rare avec les rayons verticaux du soleil, je commence à peiner un peu. Il ne faut pas croire que, le long d'un canal, la descente soit plus facile que la montée. En fait, c'est toujours d'une platitude presque constante, la seule différence étant que, à chaque écluse, se présente une mini-descente au lieu d'une mini-montée (2 à 3 mètres de dénivelée !). Et il faut toujours franchir, à chaque pont traversant le canal, une petite bosse dont les rampes sont assez raides. En bref, le pédalage doit rester quasiment continu dans un sens comme dans l'autre.

Après l'Yonne, je suis maintenant dans la Nièvre (non, je ne nage pas dans les rivières ; je parle ici des départements !). Et il y a un net changement au niveau de l'entretien du canal qui est de bien meilleure qualité : les berges sont aménagées, les écluses repeintes, et les maisons éclusières sauvegardées. On retrouve des écluses avec leurs fleurs et leur potager, et même parfois un éclusier ou une éclusière comme la sympathique Evelyne à l'écluse d'Anizy.

Je loge ce soir à Cercy-la-Tour chez Marie que je n'ai pas encore vue car elle tient un bureau de vote jusqu'à 18 heures. Comme convenu, la maison était ouverte et je me suis installé ! Et j'ai rendez-vous demain avec la Loire qui n'est plus qu'à 15 km...


Reflets troublants !




A Châtillon-en-Bazois, château et port fluvial

L'écluse d'Anizy

La trace du jour


Etape 5 - Lundi 12 juin 2017 - 69 km
De Cercy-la-Tour à Bourbon-Lancy

Ayant la télé dans ma chambre, j'ai pu suivre hier les résultats des élections législatives, avant le dîner pour La Réunion, après pour la France : excellent timing grâce au décalage horaire ! Résultats peu surprenants mais qui laissent assez perplexe...

Marie nous avait préparé un correct repas campagnard, accompagné d'une bonne bouteille de Pinot Noir provenant d'un producteur... alsacien ! Dîner en compagnie d'un sympathique couple de parisiens âgés qui étaient venus à Cercy pour la communion de l'une de leur petite-fille. Ils étaient sortis de table vers 4 heures, après la traditionnelle pièce montée, mais cela ne les a pas empêchés de manger et boire autant que moi !

Aujourd'hui, contrairement à ce qui était annoncé, le ciel bleu a disparu : le temps restera gris toute la journée. Finis les paysages riants et les reflets dans le canal, mais la température est idéale pour faire du vélo.

Je termine à vive allure les 15 derniers kilomètres du canal du Nivernais. On est maintenant dans la plaine, les dernières écluses sont de plus en plus espacées, le canal file tout droit se livrer à la Loire en traversant pour finir les zones commerciales et industrielles de la périphérie de Decize.

Je mets un point d'honneur à pousser jusqu'au point zéro du canal à Saint-Léger-des-Vignes où je comptais visiter le Musée du Toueur. Mais il n'ouvre que du 20 juin au 31 août (et seulement de 14 à 18 heures) : c'est vraiment restrictif ! Les toueurs étaient ces remorqueurs qui permettaient de faire passer les péniches du canal du Nivernais au canal Latéral à la Loire en remontant la Loire sur 4km. Ne trouvant aucun toueur pour me "raler", je suis contrains de faire demi-tour, puis de traverser successivement la Vieille Loire (un bras mort), la ville de Decize dans son île, et la Loire actuelle, pour rejoindre mon second canal.

Et me voilà reparti sur un nouveau chemin de halage. Celui-ci n'est pas officiellement aménagé en voie cyclable. Il y a des tronçons enrobés, mais assez détériorés, et d'autres en terre avec deux bandes roulantes et de l'herbe au milieu. Dans les deux cas, ça secoue un peu : pas terrible pour mon dos ! De plus, on ne peut pas rouler bien vite ; je gagne de justesse ma course avec une pénichette. Et enfin il n'y a aucun emplacement pour faire une pause. Je décide donc d'emprunter la route, une départementale peu fréquentée, qui me permet, après une longue ligne droite à travers les champs de maïs, de rejoindre Ganay-sur-Loire. Rien dans le village, mais le restaurant de la base nautique m'ouvrira ces portes pour y boire un Perrier, commencer la rédaction de cet article, et me satisfaire du pas terrible menu à 13 euros.

Je repars sur le halage qui reste dans le même état que celui du matin. De grands acacias bordent le chemin et je me souviens alors d'avoir lu sur un blog un récit de crevaisons multiples sur un tel tronçon. Une inquiétude me saisit et je décide d'abandonner définitivement le canal pour aujourd'hui. Ma tablette me permet d'élaborer un itinéraire bis par les petits chemins vicinaux dont le réseau est très dense. Et je vais ainsi me balader fort agréablement à travers champs et pâturages, de fermes en lieux-dits aux noms improbables.

Vers 15h, je passe (fièrement) sans m'arrêter (volontairement) devant ma chambre d'hôte du soir, le Pont de la Loire, pour continuer jusqu'à Bourbon-Lancy, effectuer une petite visite de la vieille ville, et boire ma bière du jour (et de la veille !) bien méritée car ça monte dur pour y arriver (à la ville ; pour la bière, ça descend facile !).

Les derniers coups de pédales du jour me ramènent au Pont de la Loire, après un dernier détour pour admirer le joli plan d'eau du Breuil, très fréquenté en cette fin d'après- midi. Après douche et lessive, je règle le problème de mes deux prochaines réservations sur lesquelles j'hésitais depuis plusieurs jours. Les choix sont faits : il ne restera plus qu'à pédaler...


Chez Marie à Cercy-la-Tour

Le Nivernais rejoint la Loire

Pont sur la Vieille Loire à Decize

Départ du Canal Latéral à la Loire

Chemin cahoteux sous les acacias

A Bourbon-Lancy

Plan d'eau du Breuil

La trace du jour


Etape 6 - Mardi 13 juin 2017 - 64 km
De Bourbon-Lancy à Saint-Aubin-en-Charolais

Hier soir, nous sommes 4 cyclistes autour de la table à nous régaler notamment d'une entrecôte charolaise, aussi copieuse que savoureuse. Mes trois compagnons d'un soir ne font pas le tour de Bourgogne, mais parcourent des parties de l'Eurovélo 6 qui, dans sa totalité, relie l'Atlantique à la Mer Noire en traversant 6 pays. Christian est parti de La Baule et va continuer jusqu'à son village près de Chalon sur Saône. Les deux autres, un allemand et son fils de 13 ans, font un tronçon d'une semaine par an, de Dôle à Orléans cette année. Ils sont tous très bien équipés, en vêtements comme en matériel. Je fais carrément pitié !

Aujourd'hui, temps gris et un peu frais le matin, ensoleillé et franchement chaud l'après-midi. Et itinéraire entièrement en voie verte, sauf les derniers kilomètres pour atteindre mon hébergement du soir. Ce fut un vrai régal avec successivement une section sur une ancienne voie ferrée avant de rejoindre le canal, une première traversée de la Loire, ce fleuve à nul autre pareil, la fin du Canal Latéral à la Loire, une deuxième traversée de la Loire sur le pont canal à Digoin, et le début du Canal du Centre (qui relie la Loire à la Saône).

La plus grande partie du parcours s'effectue au travers de la campagne que j'aime, celle où il n'est pas question de monoculture intensive ni de ferme aux mille vaches, mais de petites parcelles vouées à des cultures diversifiées ou à des pâturages où se côtoient vaches, moutons, chevaux. C'est presque du bocage.

Je fais une première pause dans un petit bar-épicerie extérieurement sympathique à Pierrefitte-sur-Loire où je retrouve Christian qui était parti avant moi. La patronne nous fait part de ses griefs contre les écolos et l'administration. On repère très vite une électrice du Front National. Christian a ses théories : il m'assure que le succès de ce parti dans les petits villages, qui ne sont pas concernés par l'immigration, est surtout dû à l'absence de médecin ; il pense aussi que Macron doit son élection au vote des femmes ! Nos instituts de sondage ont-ils étudié la question ? À vérifier...

N'ayant pas trouvé de restaurant attrayant à Digoin, je mange, sur un banc à l'ombre au bord du canal, mon dernier bout de saucisson et mes derniers TUC, puis poursuis jusqu'à Paray-le-Monial pour siroter ma pression journalière en compagnie d'un couple de cyclistes, qui fait aussi le tour de Bourgogne, mais sur une drôle de monture, un tandem amélioré sur lequel le passager avant (la femme) est installé en position presque couchée et ne fait que pédaler tandis que le passager arrière (l'homme) est assis en position dominante, guide la machine et pédale peut-être un peu.

Je dois ensuite passer dans un magasin de cycles car le câble de frein avant de mon vélo s'est effiloché et ne coulisse plus correctement dans sa gaine. Cette petite réparation occasionne une assez longue conversation avec le propriétaire du magasin, qui est aussi cycliste. Il me conseille une variante pour mon itinéraire d'après-demain entre Montchanin et Chalon-sur-Saône. Comme Christian m'avait fait la même recommandation, cela mérite réflexion...

Il me reste encore à faire quelques courses pour mon dîner, ayant appris au téléphone que mon hébergement de ce soir ne faisait plus table d'hôte. Ce sera un simple repas froid : aucun excès de table aujourd'hui ! Sur la fin du parcours, je quitte le bord du canal pour partir à l'assaut des collines, en direction de Saint-Aubin-en-Charolais, tout petit village perdu dans la campagne. Le parcours est vallonné, un peu éprouvant à cause des petites côtes et de la chaleur qui a progressivement augmenté, mais plaisant quand même.

Et me voici seul, bien installé dans une chambre confortable, avec à ma disposition une immense cuisine. Le propriétaire est passé me voir un court instant, mais on ne se reverra que demain au petit- déjeuner. En fait, je garde la maison !


Sur une ancienne voie ferrée

La Loire près de Diou

Le Canal Latéral à la Loire

Appel irrésistible !

L'église républicaine de Pierrefitte-sur-Loire

La Loire à Digoin

Le pont canal de Digoin

Un drôle de tandem !

La campagne près de Saint-Aubin-en-Charolais

La trace du jour


Etape 7 - Mercredi 14 juin 2017 - 52 km
De Saint-Aubin-en-Charolais à Ecuisses

Quelle idée a eu le propriétaire de ma maison d'hôte d'hier soir que d'avoir appelé son établissement L'Escampette ? Le résultat est que sa femme en a pris la poudre ! Je me suis abstenu de lui servir cette mauvaise blague au petit-déjeuner car il m'a semblé sérieusement déboussolé. J'ai un peu fait semblant de compatir, mais c'est surtout les bons repas préparés par sa femme, qui recueillaient de bons avis sur Internet, que j'ai regretté !

Cette nuit, quelques coups de tonnerre ont retenti au loin. Le temps est à l'orage...

Je reprends ce matin la route en suivant le fléchage de l'Eurovélo 6 sans trop regarder ma tablette. Mais je m'aperçois vite que cet itinéraire fait faire des détours par de petites routes de campagne en s'éloignant du canal. Comme la fin de mon parcours d'hier, ce n'est pas désagréable : cela change de la platitude des chemins de halage. Mais les vallonnements sont plus marqués que cela semble lorsqu'on embrasse le paysage du regard. Lorsque je dois franchir un creux, je m'amuse à foncer dans la descente en espérant prendre ainsi assez d'élan pour remonter en face sans avoir à changer de vitesse. Ça marche plutôt pas mal, mais on s'en lasse !

Je m'arrête quelquefois pour faire des photos ou pour entamer des discussions. Un monsieur de 78 ans est occupé à biner son parterre de belles de jour. La conversation tourne encore autour de la disparition des commerces et des services dans les petits villages. Il ne va pas souvent chez le médecin, encore moins depuis que son vieux docteur a été remplacé par une Hongroise ! Je le trouve bien sympathique jusqu'au moment où il me demande : "Vous êtes plus vieux que moi, vous ?". Sur un ton plus affirmatif qu'interrogatif !

Après 20 km, à Ciry-le-Noble (où je ne trouve pas le café que j'espérais), je décide de reprendre le bord du canal. Le chemin de halage a malheureusement été remplacé par une route départementale, mais la circulation est faible. Sur le canal du Centre, les écluses sont de nouveau automatisées, leurs portes étant actionnées par de gros vérins, et les maisons éclusières se retrouvent à l'abandon. À Saint-Vallier, je trouve enfin un bar : trop tard pour le café, ce sera un Perrier. C'est un bar typique d'habitués où une dizaine d'homme boivent des coups de petits blancs en parlant fort et en chahutant un peu la patronne. Et mon entrée doit plutôt faire baisser la moyenne d'âge !

La traversée de Montceau-les-Mines est un peu galère : en l'absence de voies dédiées, les cyclistes ne savent trop s'ils doivent se considérer comme des piétons ou comme des voitures. C'est dans la voie piétonne que j'aurai le choix entre plusieurs restaurants dont les tables empiètent largement sur la rue. Et encore une goûteuse entrecôte charolaise accompagnée d'un verre de Mercurey !

La fin du parcours me conduit, autour de Montchanin, à une zone parsemée de plusieurs étangs qui correspond à la partie haute du canal. Et je bois ma bière au Bar de l'Ecluse n°1 du versant Saône. Difficile d'imaginer que l'eau qui coule à partir d'ici dans le canal va atteindre la Méditerranée, alors qu'à l'écluse précédente (la n°1 du versant Loire), elle partait vers l'Atlantique ! Mais il y a mieux, pas très loin d'ici, avec un "point triple" où toute goutte d'eau tombée et fermement décidée à ruisseler pourra atteindre au choix la Méditerranée, l'Atlantique ou la Manche.

Je ne tarde pas trop car le ciel s'assombrit et les premières gouttes de pluies me saisiront juste à la porte de mon petit hôtel du soir nommé Entre Terre et Mer et situé au niveau de l'écluse n°5 (ce versant du canal commence par une échelle de 7 écluses). Et l'orage éclatera alors que je suis sous la douche. J'espère qu'il n'atteindra pas l'intensité de ceux de la nuit dernière en Haute Loire...


Dans la campagne vallonnée



Le long du Canal du Centre

Partie haute du canal

Vers les étangs

La trace du jour


Etape 8 - Jeudi 15 juin 2017 - 47 km
De Ecuisses à Buxy

HIer soir, l'orage a été assez violent, et la pluie est tombée drue mais pas trop longtemps. Finalement, cela a fait du bien en rafraîchissant l'air : j'ai mieux dormi que les nuits précédentes.

En tant que demi-pensionnaire, on ne me place pas dans la grande salle de restaurant, mais dans une petite, côté bar, avec les ouvriers qui travaillent sur des chantiers de la région. L'un d'entre eux est seul et, ayant engagé la conversation à l'apéro, nous décidons de dîner à la même table. C'est un soudeur spécialisé qui est en mission d'une semaine dans une usine du Creusot. On se régale d'une bonne andouillette et d'une demi-bouteille de Mercurey que je nous offre.

Ce matin, je prends le petit- déjeuner dès 6h30, en compagnie de deux autres ouvriers, des couvreurs qui travaillent surtout dans le bardage des bâtiments industriels. J'ai décidé de partir tôt et de prévoir une étape relativement courte car des orages sont de nouveau annoncés pour l'après-midi. Je me suis aussi résolu à quitter le canal pour rejoindre Chalon-sur-Saône par la campagne, puis les vignobles où je me suis trouvé pour ce soir un hébergement.

À mon départ, le canal est noyé dans la brume. Je rejoins rapidement la véloroute qui relie Montchanin à Etiveau. Les premiers kilomètres, à froid, sont un peu durs : ça tire dans les cuisses. Mais, belle récompense lorsque, à l'arrivée sur le plateau, je trouve un grand ciel bleu et domine les bancs de brumes toujours présents dans la vallée. Moment magique...

C'est alors que je reçois un coup de téléphone de mon ami Philippe qui m'annonce que je pourrai dormir chez sa nièce samedi soir prés de Dijon. C'est une bonne nouvelle car la recherche d'hébergements me posent plus de problèmes que ce que je pensais. J'ai même dû renoncer à passer par Beaune, toutes les enivrantes tables d'hôte que j'avais repérées sur la voie des vignes étant complètes pour vendredi soir.

À Genouilly, je me paye un café. Enfin, c'est ce que je crois, mais je vois soudain arriver Christian, maintenant accompagné de sa femme qui l'a rejoint pour les trois derniers jours de son long périple ; cafés pour eux aussi et ils paieront la tournée. Demain soir, ils seront à la maison et Christian aura réussi dans son entreprise : parcourir plus de 1000 km pour fêter ses 70 ans.

La véloroute se poursuit, toujours dans cette belle campagne vallonnée. Je me laisse aller à rêvasser dans cet environnement si paisible lorsqu'un bruit d'enfer me surprend : un TGV ! Je n'avais pas du tout envisagé que la ligne sud-est puisse passer par ici. Les vaches semblent moins perturbées que moi et continuent à regarder passer les trains, fussent-ils à grande vitesse.

À Saint Gengoux-le-National (ces noms à rallonge m'étonnent toujours), je fais ma pause repas au Bar des Marronniers (un grand classique de la France profonde). Le patron, qui a été parachutiste à La Réunion, accepte que j'achète une quiche à la boulangerie voisine et que je m'installe en terrasse à condition bien sûr de consommer, ce que je ferai abondamment. Je ne quitte pas le bourg sans une visite de sa cité médiévale, dont les petites ruelles, fleuries par les habitants, ont beaucoup de charme.

Cet après-midi, les 15 derniers kilomètres s'avalent facilement, malgré la chaleur, sur la voie verte qui emprunte l'ancienne voie de chemin de fer qui reliait Mâcon à Chalon. Elle présente pas mal de similitudes avec les chemins de halage : un faible dénivelé, des courbes paresseuses, des bas-côtés envahis par des herbes folles et des fleurs sauvages... jusqu'aux anciennes maisons de gardes-barrières dont le style est assez semblable à celui des maisons éclusières, et le sort aussi : certaines ont été vendues et sont plutôt bien entretenues, d'autres sont hideusement à l'abandon.

Après une dernière pause Perrier au bar de Buxy, j'atteins à 16h ma chambre d'hôte située dans une propriété viticole qui domine le village. Accueil chaleureux et vue splendide sur les vignes, le village, la vallée de la Saône et même au loin les Monts du Jura.


Au-dessus du canal noyé dans la brume



Les Charolaises regardant passer le TGV

Le long de la voie verte Mâcon-Chalon

Ancienne maison de garde barrière

Vue depuis ma chambre d'hôtes

La trace du jour


Etape 9 - Vendredi 16 juin 2017 - 69 km
De Buxy à Seurre

J'ai été reçu comme un coq en pâte hier soir. Cuisine familiale, mais de qualité, placée de l'entrée au dessert sous le signe du vin. Je retiens l'idée du gratin de brocolis servi avec le bœuf bourguignon : cela change des pommes de terre. Et ce matin, le petit-déjeuner était copieux, original sans ces trop habituelles viennoiseries, avec pour finir une poignée de cerises de la propriété.

Je récupère pour commencer, sur mes premiers 20km, la voie verte jusqu'à Chalon sur Saône. Il est permis de regretter la disparition des lignes secondaires de chemin de fer, mais leur transformation en voie verte est vraiment une heureuse initiative. En ce samedi matin, les usagers sont nombreux, à pied, en rollers, en patinettes ou à vélo. Un seul petit désagrément dans les parties boisées et en creux : les nuées de moucherons. On ne parvient pas toujours à les éviter en slalomant ; il faut alors être prompt à se boucher tous les orifices du visage, bouche et narines ; rare avantage des lunettes, je peux garder les yeux ouverts !

Comme pour les autres grandes villes, la traversée de Chalon à vélo n'est pas évidente : plus de voie verte, des pistes cyclables qui s'interrompent brutalement, de courts tronçons de "promenades cyclistes" en bord de Saône. On est parfois autorisé à emprunter les couloirs normalement réservés aux bus. Je passe au-dessus des voies ferrées (les actuelles) sur une passerelle en empruntant les rampes aménagées pour les handicapés ! Il faut avouer que j'ai quitté l'itinéraire officiel car je voulais symboliquement aller jusqu'à l'endroit où le canal du Centre rejoint la Saône. Le lieu est difficilement accessible, dans une friche industrielle, mais j'y suis parvenu au prix d'une cohabitation un peu délicate avec les camions.

Je rejoins ensuite l'Eurovélo 6 qui se confond ici avec la voie bleue qui remonte la Saône au plus près. Je fais une courte pause au petit lac de Crissey aux berges bien aménagées pour les touristes et les pêcheurs. J'engage la conversation avec un monsieur qui m'affirme que le lac est pollué par les déjections des grosses carpes qui seraient trop nombreuses. Il m'oriente vers un second lac laissé à l'état sauvage ; je fais quelques pas à pied pour l'apercevoir et c'est effectivement un autre monde, beaucoup plus vivant, avec canards, poules d'eau, oiseaux.

Cette remontée de la Saône est délicieuse. La voie bleue (qui n'est pas tout à fait verte puisque la circulation automobile n'y est pas partout interdite) est parfois séparée de la rivière par une étroite bande boisée, avec de petites trouées vers la berge presque toutes occupées en ce week-end par des familles super équipées en matériels de camping et de pêche. Je suis toujours étonné par l'équipement très professionnel des français dans leurs activités de loisir !

Ayant sans doute pris depuis hier soir le goût des bonnes choses, je décide de m'arrêter à Chauvort dans un restaurant, visiblement apprécié par la clientèle locale. J'y déguste en terrasse, sous un magnifique platane, avec vue reposante sur la Saône, une "poêlée de cuisses de grenouilles fraîches à la persillade" accompagnée d'un verre de Bourgogne aligoté et suivie d'une tarte au citron meringuée : une entrée et un dessert sans "main course", voilà qui est très raisonnable !

Après un café et un cigare, je remonte un peu péniblement sur ma monture. Depuis le pont de Verdun sur le Doubs, j'assiste au mariage des eaux de la Saône et du Doubs. Après Verdun, la véloroute, qui n'est plus verte du tout, navigue dans l'espace entre les deux rivières. Elle longe un moment le Doubs, qui m'apparaît plus sauvage et aux eaux plus claires, puis revient vers la Saône jusqu'à Seurre, terme de mon étape du jour.

Au total, encore une très belle étape effectuée sous un ciel juste un peu ennuagé avec parfois un léger vent rafraîchissant : des conditions idéales !


Ancienne gare de Buxy

Poursuite de l'ancienne voie ferrée

Le Canal du Centre rejoint la Saône

Le Lac de Crissey


La Voie Bleue Chalon-Dole

Tentative de dissuasion !

La "Poêlée de cuisses de grenouilles fraiches à la persillade"

Confluence du Doubs et de la Saône

Le Doubs

Séchage du linge en chambre close !

La trace du jour


Etape 10- Samedi 17 juin 2017 - 77 km
De Seurre à Velars-sur-Ouche

Ma chambre d'hier soir, réservée au dernier moment via Booking, était en fait un appartement, un de ces anciens petits F1 d'ouvriers tous semblables alignés en bord de route. La propriétaire m'a juste remis la clé avec la consigne de la mettre dans la boîte aux lettres à mon départ : service minimum ! Avec quand même une petite surprise annoncée que je trouverai dans le frigo : une salade de framboises.

L'appartement est très bruyant à cause de la circulation ; on ne peut même pas ouvrir les volets ! Je renonce à dîner dans la cuisine entre quatre murs alors qu'il fait si beau dehors. Un petit tour à pied dans la ville me conduit tout naturellement à un petit restaurant en bord de Saône, moins gastronomique que celui du midi, mais la douzaine d'escargots se mange avec plaisir. J'avance bien dans mon tour des spécialités culinaires de Bourgogne !

Ce matin, je reprends l'Eurovélo 6 en continuant à remonter la Saône. L'itinéraire alterne comme hier des sections sur petites routes de campagne de villages en villages et d'autres au bord de la rivière ou du canal de dérivation qui évite les nombreux méandres. Je retrouve pêcheurs et campeurs toujours aussi bien installés.

Étant parti tôt, j'arrive à Saint-Jean-de-Losne dès 9h pour une petite pause-café. Saint-Jean-de-Losne est un gros bourg, abritant une grand port fluvial et situé au départ (ou à l'arrivée) du Canal de Bourgogne qui relie la Saône à l'Yonne et que je vais maintenant suivre pour terminer ma boucle jusqu'à Migennes.

Me voilà donc reparti sur un ancien chemin de halage transformé ici en piste non enrobée mais bien damée, donc très praticable même si ce n'est pas (encore ?) une voie cyclable officielle. Le tracé du canal est sur cette section jusqu'à Dijon parfaitement rectiligne, la progression est facile mais pas rapide et un peu monotone.

Contrairement à l'Eurovélo 6 et aux voies vertes précédemment parcourues, cet itinéraire est très peu fréquenté. Mais je croise quand même une dame, cycliste itinérante, qui est partie de Migennes et vient donc de parcourir le trajet qui va être le mien. On discute un bon moment : c'est une campeuse dont le vélo est plus chargée que le mien ; après le Canal de Bourgogne, elle va remonter vers Dole, puis vers l'Allemagne ; elle me fournit quelques renseignements sur ce qui m'attend...

Un peu lassé du canal, et voulant trouvé un bar, voire un restaurant, je fais deux tentatives pour passer par des villages, Longecourt puis Thorey, tous deux en Plaine et tous deux sans bistrot ouvert. J'en serai quitte pour quelques kilomètres désagréables sur une départementale avec une circulation un peu dense et un vent presque de face nettement plus sensible que le long du canal. De retour sur le halage, je trouve une table à l'ombre pour pique-niquer : un simple pâté en croûte acheté à Saint-Jean-de-Losne et un peu d'eau tiède de mon bidon.

Plus loin, une maison éclusière abrite une association de réinsertion par la sculpture. J'engage la conversation avec un baba cool originaire de l'Ardèche qui passe ici son premier été. Il travaille aussi bien le tendre calcaire de l'Yonne que la dure pierre de Bourgogne, avec une préférence pour la seconde. Il semble obsédé par les visages de moines ou de sorcières. Lorsque je lui dis que je viens de La Réunion, c'est bien le premier qui ne me parle pas spontanément de requin, mais de zamal !

Plus loin encore, un héron se joue de moi. Je l'aperçois de dos marchant sur le halage. Lorsque je m'approche à moins de 10 mètres, il s'envole pour se reposer un peu plus loin. Il répète plusieurs fois son manège, puis finit par traverser le canal pour me narguer de la rive d'en face. Sur certaines portions, le canal est très encombré par des plantes aquatiques dont je ne connais pas le nom. Elles en sont extraites et déposées sur la berge en des tas disgracieux et malodorants.

J'arrive à Dijon avant 15h, quelque peu assoiffé. Pour une fois, je me rends facilement en centre ville. Un effort visible est fait ici pour favoriser les transports doux : le tram et le vélo sont à l'honneur. Je me pose sous les platanes de la place Émile Zola pour étancher ma soif avec une Leffe à la pression. Après un petit tour dans la zone piétonne très animée, l'achat d'un pique-nique pour demain et d'une bouteille pour offrir ce soir, je longe le Lac Kir pour me rendre chez Marie, qui habite à Velars-sur-Ouche à quelques encablures du canal, pour une soirée sortant de mon ordinaire.


En bords de Saône

Saule et Saône

Le port fluvial de Saint-Jean-de-Losne

Canal rectiligne

Tas d'algues extraites du canal

Maison éclusière bien fleurie

Mon héron joueur


Le Lac de Kir

La trace du jour


Etape 11 - Dimanche 18 juin 2017 - 41 km
De Velars-sur-Ouche à Crugey

J'ai passé hier une agréable soirée familiale chez Marie et Guillaume, un couple de trentenaires cool et sympa, avec deux enfants, Corentin (2 ans et demi) et Timothé (2 mois). Ils ont vécu quelques années au Canada et en ont gardé certaines habitudes culinaires. J'ai eu droit à des hamburgers, mais faits maison sur le barbecue, et c'était très bon à manger tout chaud, nature, sans qu'il soit besoin de recourir à une quelconque sauce.

Ce matin, ainsi que je l'avais anticipé en prévoyant pour aujourd'hui une étape courte, c'est grasse matinée du dimanche dans la maisonnée. Je n'enfourcherai mon vélo que peu avant 10h.

Je rejoins immédiatement la "voie verte du canal de Bourgogne", label officiel. Sur les premiers kilomètres, jusqu'à Pont-de-Pany, c'est une piste cyclable au revêtement parfaitement lisse. Elle est très empruntée par de vrais cyclistes, venus de Dijon, qui me doublent à vive allure sur leur vélo de course. De plus, cette section suit d'assez près l'autoroute A38 et le bruit des voitures est un peu perturbant.

À Pont-de-Pany, tout change. L'enrobé de la piste devient plus granuleux, ce qui suffit pour faire faire demi-tour aux cyclistes dijonnais ; la vallée de l'Ouche que remonte le canal se fait plus étroite et sauvage ; la voie verte s'écarte de l'autoroute. Tout redevient paisible. On ne rencontre plus que des pêcheurs et des cyclistes tranquilles, des itinérants reconnaissables à leurs grosses sacoches ou des familles en balades dominicales.

A midi, au niveau de Barbirey-sur-Ouche, mon flair m'invite à aller visiter ce village. J'y trouverai un charmant petit restaurant, l'Ouche Gourmande, dont la salade gourmande fera mon affaire : la gourmandise est le plus joli des défauts, bien pardonnable un jour de fête des pères ! Et Daniel ne m'oublie pas qui me téléphone pour le dessert, une mousse au chocolat blanc sur un lit de cerises. La vie est douce, avec pour terminer un café et un cigare à l'ombre d'un tilleul en fleurs.

Je roule à nouveau avec le canal à ma gauche et l'Ouche qui serpente à ma droite. J'ai peine à croire que je longe le même canal qu'hier. Au lieu de filer tout droit dans une plaine cultivée, il épouse aujourd'hui les sinuosités de la vallée entourée de collines boisées. Sous le ciel bleu, sans le moindre nuage, c'est un régal pour les yeux, d'autant que la bonne qualité de la piste me permet de profiter pleinement des paysages sans prêter attention en permanence à ma trajectoire.

À Pont-d'Ouche, le canal fait un virage à 90°. Il quitte la vallée de l'Ouche pour emprunter celle d'un affluent, la Vandenesse. Je prends le temps d'aller assister à un départ du petit train touristique à vapeur qui, lui, remonte la vallée de l'Ouche sur une dizaine de kilomètres en empruntant une ancienne ligne qui servait à acheminer le minerai de fer et de charbon jusqu'au canal.

Après un Perrier (il fait un peu chaud, donc soif) pris au bistrot du petit port fluvial, je termine à l'aise mon parcours jusqu'au hameau de Crugey où se trouve ma chambre et table d'hôte de ce soir, le Pré Vert (en deux mots).

Une étape courte et très agréable aujourd'hui. J'aurai sans doute des difficultés au final pour dire laquelle aura été la plus belle !


La (trop) belle voie verte

L'Ouche



Le canal de Bourgogne

Le canal et la voie verte

Le train touristique de la vallée de l'Ouche

Arrivée à Crugey


La trace du jour


Etape 12 - Lundi 19 juin 2017 - 51 km
De Crugey à Montigny-sur-Armançon

Très bonne adresse que ce Pré Vert : j'y ai carrément festoyé hier soir, de l'apéritif au dessert, en passant par le fromage (dont un excellent Époisses), et vin compris, en compagnie de 5 autres cyclistes qui "font" le canal de Bourgogne à leur façon : ils dorment trois nuits consécutives dans le même hébergement et parcourent un tronçon du canal en aller-retour, en partant d'un côté le premier jour puis de l'autre côté le lendemain. Intéressant pour ajuster chaque jour la distance en fonction du temps où de sa forme, mais je préfère quand même mon itinérance.

Ce matin, après un petit-déjeuner d'excellence, je ne fais que quelques kilomètres le long du canal. Cette petite vallée perdue de la Vandenesse est devenue un important axe de communication : par endroit, sur une largeur d'une centaine de mètres seulement, on trouve successivement une départementale, le canal, la voie verte, la rivière et l'autoroute A6 ! Les citadins ont-ils conscience de ce que les lignes de TGV et les autoroutes apportent comme nuisances paysagères et sonores dans les campagnes traversées pour relier les grandes métropoles ?

Pour échapper à cette pollution par le bruit, et aussi pour éliminer un peu les excès de table, je décide de partir à l'assaut de Châteauneuf et de son château "qui se dresse sur une éminence rocheuse dominant la vallée de la Vandenesse" comme on peut le lire sur des brochures touristiques. J'avoue que, même en "mettant tout à gauche" (petit plateau et grand pignon), je ferai deux pauses dans la montée, pour prendre des photos selon ma fierté mais pour reprendre mon souffle en réalité.

Là haut, je ne peux visiter le château, fermé le lundi, mais je profite des ruelles fleuries du village et du point de vue sur la vallée. Je découvre pour la première fois le canal vu d'en haut. Pour ne pas redescendre par le même route, je poursuis mon escapade hors du canal en passant par le lac de Panthier. Ce vaste réservoir, en partie destiné à l'alimentation du canal, est assez beau dans son environnement de campagne vu d'en haut, mais moins engageant lorsqu'on atteint ses berges. On y trouve une petite base nautique et un espace aménagé pour la baignade. Tout cela est peut-être animé le week-end, mais c'est désert en ce lundi matin.

Après un parcours en campagne un peu vallonné, je rejoins la voie verte à Pouilly-en-Auxois. Mais le canal a disparu ! C'est que nous sommes ici à son point culminant et le bief de partage est en souterrain sur 3 km. Il est très réduit en largeur et donc à sens unique pour les bateaux, avec un système de feux bicolores. Me voilà donc passé (insensiblement) du versant Saône au versant Yonne, et de la vallée de la Vandenesse à celle de l'Armançon.

Un peu plus loin, je fais ma pause pique-nique sur une table à l'ombre au bord du canal retrouvé. Une boîte de maquereaux (pas même au vin blanc), mes habituels TUC, quelques tomates-cerises, le tout arrosé de l'eau chaude de mon bidon : c'est ce qu'on appelle de l'alimentation et on ne peut pas se payer le restaurant tous les jours ! Au redémarrage, il commence à faire chaud. La voie verte comporte heureusement d'assez longues sections à l'ombre et la progression reste agréable. Je discute un peu avec un couple âgé (à peine plus que moi sans doute !) qui, comme mes compagnons d'hier, découvrent à vélo des parties du canal en aller-retours, mais à partir de leur camping-car.

Les tout petits villages aux abords du canal n'ont aucune chance d'abriter un bistrot et je devrai rouler jusqu'à la mini base nautique de Pont Royal pour trouver un bar- restaurant où je prendrai une tarte au citron et un café, et puis un Schweppes Tonic avant de repartir. Quelques kilomètres encore le long du canal, puis je m'échappe vers la campagne en plein champs et en plein soleil pour rejoindre ma chambre d'hôte du soir, La Cheminière, à Montigny-sur-Armançon. J'y arrive vers 16h15, un peu fatigué par la chaleur, mais trouve porte close : l'accueil ne se fait qu'à partir de 17h.

Un voisin me conseille d'aller faire un tour au bord du Lac de Pont en attendant, et me voilà reparti ! Je n'explorerai que la partie haute de ce lac, très sauvage et même un peu inquiétante : on n'y voit pas grand chose, sauf des papillons, mais on entend toutes sortes de clapotements. Quand je m'imagine voir surgir un crocodile, je comprends enfin qu'il est temps d'aller se reposer !

Et, agréable surprise, il y a une piscine à La Cheminière : un bon bain me fera le plus grand bien...


Dans la montée vers Châteauneuf

Ancien lavoir

Vue sur le canal et au-delà

Le château fermé le lundi

Village fleuri

Dans la descente vers la Lac de Planthier

Le canal à sens unique passe en tunnel

L'inquiétant Lac de Pont

La trace du jour


Etape 13 - Mardi 20 juin 2017 - 74 km
De Montigny-sur-Armançon à Pacy-sur-Armançon

Hier soir, après la séance de piscine (plus d'étirements que d'aquagym !), je me sens ragaillardi pour le partage du dîner avec les propriétaires, Cathy et Manu, elle infirmière, lui s'occupant de leur structure. Ils ont fait en 1994, "avant les enfants", un voyage d'un mois à La Réunion et en garde un souvenir incroyablement précis plus de 20 ans après. Leur fils de 17 ans, en 1ère S, nous rejoint après ses révisions en vue de l'oral du bac de français. Une soirée familiale agréable qui se prolonge jusqu'à 23h autour d'un bon repas.

Ce matin, après quelques kilomètres dans la campagne, je rejoins le canal et file sans arrêt jusqu'à Montbart. Il y aurait pourtant de jolis villages à visiter, Semur-en-Auxois ou Flaviigny-sur-Ozerain par exemple, mais j'ai déjà donné hier avec Châteauneuf. J'aperçois aussi sur ma droite le plateau d'Alésia, mais je renonce à partir sur les traces escarpées de Vercingétorix. Et enfin l'abbaye de Fontenay est signalée à 5 km du canal : là, je file tout droit sans hésitation.

En revanche, je comptais bien visiter les anciennes forges de Buffon. À l'entrée, un écriteau indique "OUVERT TOUS LES JOURS" en grosses majuscules, et en-dessous "sauf le mardi" en petites minuscules. Encore raté !

Après Montbart, le trafic fluvial s'intensifie, ce qui peut créer quelques conflits. J'assiste ainsi à une scène pas loin de dégénérer : un "hôtel flottant", grosse péniche de 35 mètres, bloque une écluse en attente d'un client tandis que deux pénichettes se présentent ; elles devront s'amarrer au bord du canal et patienter plus d'une heure en plein soleil.

Ici, les écluses sont actionnées manuellement comme sur le Nivernais, mais leur fonctionnement est assuré par des employés de VNF (Voies Navigables de France) qui se déplacent à scooter de l'une à l'autre. Autre différence avec le Nivernais, les écluses du canal de Bourgogne sont au gabarit Freycinet (39 m de long et 5,20 m de large) rendant possible le passage des grosses péniches marchandes hier et des hôtels flottants aujourd'hui.

Après un frugal pique-nique à l'ombre bienveillante d'un saule au bord de la rivière, je m'arrête à nouveau un peu plus loin à l'écluse d'Aisy près de laquelle habite un ami de mon frère Jean-Pierre. Tout est fermé, mais j'explore un peu les lieux. En contournant la propriété, un sentier part en direction de l'Armançon, qui est maintenant une assez large rivière, et me conduit à un coin charmant avec déversoir et bassins. J'hésite à m'y baigner, mais je juge que ce ne serait pas bien prudent avec mon corps bouillant.

Mon bidon est maintenant vide et la chaleur s'intensifie. Je vais terminer un peu péniblement en m'arrêtant dans chaque bistrot rencontré, à Nuits pour un Perrier, à Ancy-le-Franc pour un Schweepes, et au final à Pacy-sur-Armançon, terme de mon étape, pour une pression !

Je suis ce soir dans une structure hybride faisant à la fois chambre d'hôte et restaurant. En attendant le dîner, je viens de boire encore une demi-bouteille de Badoit, finement pétillante. Parviendrai-je à étancher ma soif ?


Le long du canal

Ecluse paralysée

Escapade pédestre au bord de l'Armançon

Vers Ancy-le-Franc

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Etape 14 - Mercredi 21 juin 2017 - 55 km
De Pacy-sur-Armançon à Germigny

Je m'offre hier soir un bon dîner au restaurant : entrecôte aux girolles (un délice), un plateau de fromages (un plaisir), un sorbet au citron (pour la digestion), et une demi-bouteille d'Irancy. Après cela, la fatigue me saisit à nouveau et je dors comme un bébé.

Je prends ce matin le petit-déjeuner en compagnie d'un espagnol, venu faire une expertise sur les éoliennes installées sur le plateau au-dessus de Tanlay : des problèmes d'infiltration dans les socles à ce que j'ai difficilement compris.

Mon étape étant plus courte, je décide aujourd'hui de prendre mon temps...

Je reprends mes entretiens avec les employés de VNF. Je recueille ainsi pas mal d'informations. Sur eux-mêmes dont les plus anciens sont encore fonctionnaires d'état, mais les nouveaux fonctionnaires territoriaux et, de plus en plus, vacataires. Sur le canal qui est de plus en plus mal entretenu avec les berges qui s'effondrent et les plantes aquatiques qui prolifèrent. Sur le trafic fluvial qui a tendance à diminuer en lien avec le point précédent et la baisse générale du tourisme en France par peur du terrorisme.

Je rencontre un marcheur solitaire, gros sac au dos, ayant obtenu comme moi un congé matrimonial pour faire le canal de Bourgogne de Migennes à Saint-Jean-de-Losne. C'est un méditatif qui n'est pas gêné par la monotonie de certaines parties. Nous discutons un bon moment, de nos lectures de récits de voyages par exemple, de Bernard Ollivier à Sylvain Tesson.

Plus loin, j'entame une conversation avec un personnage plus original encore. C'est un électricien qui se rend à pied de Fontainebleau jusqu'en Savoie pour aller travailler chez un ami. Il emmène avec lui ses affaires, mais aussi son matériel et ses outils. Il a installé tout ce barda sur un diable de chantier à deux roues qu'il tire avec un harnais. Évidemment, ainsi équipé, il ne peut pas emprunter des sentiers ni affronter des côtes. C'est pourquoi il a conçu un itinéraire longeant les canaux.

Avec toutes ces conversations, je mets presque 3 heures pour parcourir les 25 premiers kilomètres jusqu'à Tonnerre ! Je traverse la ville pour aller jeter un œil à la fameuse Fosse Dionne, un bassin alimenté par une résurgence mystérieuse. Plusieurs plongeurs ont tenté de remonter le canal souterrain d'alimentation et certains n'en seraient pas revenus. Avec la sécheresse actuelle, le débit et le niveau de l'eau sont au plus bas, ce qui enlève beaucoup au charme du lieu, selon une dame présente sur place.

Quelques kilomètres après Tonnerre, je fais ma pause déjeuner à la Bonne Auberge à Dannemoine, petit bar-restaurant sans prétention qui, "avec la chaleur", propose comme menu du jour un repas froid basique, mais qui me convient très bien : crudités, rosbif, salade, glace.

Cet après-midi, contrairement au matin, je ne rencontre plus personne, à croire que tout le monde est aux abris. En revanche, je verrai une bonne vingtaine de hérons. Ils quittent le bord du canal à mon approche et me régalent d'un majestueux vol au-dessus de l'eau. L'un d'entre eux, sans doute abasourdi par la chaleur, devra s'y reprendre à deux fois pour franchir les arbres bordant le canal et rejoindre le champs de blé de l'autre côté.

À Percey, la voie verte, jusque là très correcte, se transforme en une piste en terre défoncée, en attente sans doute d'un nouveau revêtement. Je suis contraint, sur seulement 2 km heureusement, d'emprunter la route sur l'autre rive, où la circulation, de camions en particulier, est assez intense. J'aurai juste le temps de lire sur un panneau : "Germigny, Bar-Restaurant à 3 min". Je calcule que, les voitures roulant (sans excès) à 90 km/h et moi (sans doute) 5 fois moins vite, il me faudra tout juste un quart d'heure avant de pouvoir boire autre chose que l'eau de plus en plus chaude de mon bidon.

En réalité, en empruntant à nouveau la voie verte, puis en allant observer les baigneurs sous un pont au-dessus de l'Armançon, ce n'est que 20 minutes plus tard que je pourrai me désaltérer. Un monsieur au bar m'assure que son thermomètre indique 46° en plein soleil. Difficile à croire, mais ça vaut bien une tournée !

Il me reste à rejoindre ma chambre d'hôte de ce soir, qui est située dans un hameau à 3 km du village et qui s'appelle la Clef des Champs. C'est effectivement perdue en pleine campagne et, sur la petite route qui y mène, je dois éviter les plaques de goudron fondu ! À l'arrivée, je bois encore à la suite trois verres d'eau pétillante.


Toujours le canal...

... et l'Armançon

La Fosse Dionne


Seuls les hérons sont de sortie

Baignade dans l'Armançon

La trace du jour


Etape 15 - Jeudi 22 juin 2017 - 27 km
De Germigny à Migennes

J'ai passé hier la soirée la plus conviviale de toutes. Aucun chichi : avec le propriétaire, Yvan, on se sent tout de suite à l'aise ; très vite, on se tutoie et on cause de toutes sortes de choses. Il y a aussi Pierre, qui a élu domicile ici pour 3 mois ; il assure une mission, juste avant de prendre sa retraite, en tant que DRH dans une entreprise d'abattage et de conditionnement de poulets qui vient d'être rachetée. Le repas est simple, mais on se sert de tout à volonté, vins compris. Et, apprenant que je viens de La Réunion, Yvan, qui s'y est rendu plusieurs fois, a aussitôt sorti sa cuiseuse de riz !

Ce matin, je profite du départ matinal de Pierre pour prendre avec lui le petit-déjeuner dès 7h et décoller à 8h. Je ne rejoins pas immédiatement le canal en empruntant d'abord une petite route sans aucune circulation à cette heure qui me mène agréablement, à travers champs et petits bois, jusqu'à Saint-Florentin.

Je reprends ensuite la voie verte, d'abord bien roulante, mais qui devient plus loin une piste en terre avec deux bandes de roulement et de l'herbe au milieu. Dans cette situation, je constate à nouveau que, quelle que soit la bande choisie, c'est toujours celle d'à côté qui est en meilleure état, analogie troublante avec les files d'attente, aux caisses des supermarchés ou en voiture dans les embouteillages, où c'est toujours la file d'à côté qui avance plus vite !

Yvan, qui a été un temps adjoint au maire de Germigny, m'avait prévenu que l'enrobage de la voie verte sur cette section, prévu pour être terminé en 2014 comme je l'avais lu sur Internet, n'était toujours pas réalisé par la faute des élus : ils avaient trop tardé en voulant d'abord renforcer les berges du canal sapées par les ragondins (ou davantage selon moi par les remous créés par les grosse péniches) et avaient ainsi laissé filer les crédits européens.

Autre exemple de gabegie financière, l'affaire du faucardeur. Ce faucardeur était un bateau, sorte de moissonneuse flottante, qui parcourait le canal en récoltant les plantes aquatiques. Acheté à grand frais aux USA, acheminé en pièces détachées depuis Miami, il n'a été opérationnel que 3 ans et se trouve maintenant à Dijon (en réparation ou réformé selon différentes sources). Voilà pourquoi le faucardage n'est plus assuré.

Sur la fin, la piste est de plus surplombée par quelques acacias aux redoutables épines. Je me dis qu'il serait presque comique de connaître ma première crevaison à quelques kilomètres de l'arrivée, mais j'atteins finalement Migennes sans problème. Je me rends pour le fun jusqu'à l'endroit où le canal rejoint l'Yonne avant d'aller rendre mon vélo. Et voilà, c'est fini, la boucle est bouclée.

Nous sommes jeudi, et donc, comme il y a deux semaines pour mon départ, c'est jour de marché. J'y refais un petit tour, encore naïvement émerveillé, et bien sûr je me paye un euro de cerises. La saison des Burlat est terminée ; ce sont des Stark, plus fermes mais tout autant goûteuses. Je les déguste discrètement au snack du coin entre une simple salade composée et un café.

J'écris cet article dans le TER qui me ramène à Paris. Dernier article demain pour un petit bilan.


Dernière maison éclusière

Gare à la crevaison !

Le port fluvial de Brienon-sur-Armançon

Dernier bief du Canal de Bourgogne

Le canal rejoint l'Yonne à Migennes

Le trace du jour


Lendemain d'arrivée - Vendredi 23 juin 2017

Et voici l'article le plus dur à écrire. Je suis comme vidé, en phase de décompression. La plongée dans la vie parisienne, avec les transports en commun bondés hier soir, est un sacré choc. Ce matin, j'ai dit "bonjour" aux gens assis à côté de moi dans le métro ; je n'ai eu aucune réponse et ils m'ont regardé comme un animal bizarre. Il est vrai que je porte comme bagage à main une sacoche de guidon !

Je suis installé sur le dernier banc à l'ombre à la pointe du square du Vert-Galant, où trône toujours le saule pleureur, et qui me fait penser aujourd'hui à la proue d'une péniche ! C'est calme maintenant, mais il y a eu un moment d'agitation avec le passage sur la Seine d'une flottille de canots et autres embarcations, très encadré par des zodiaques de la préfecture de police. Cela entre dans le cadre des manifestations destinées à promouvoir la candidature de Paris pour les JO de 2024, organisation dont je n'ai rencontré aucun partisan en Bourgogne.

Transition assurée pour en venir au bilan de mon périple à vélo ! J'ai parcouru 827 kilomètres, ce qui donne une moyenne de 59 kilomètres par jour en regroupant la première et la dernière étape qui n'ont été que des demi-journées de pédalage, moyenne très raisonnable compte tenu des faibles dénivelés. J'ai longé 5 voies d'eau (le canal du Nivernais, le canal Latéral à la Loire, le canal du Centre, la Saône et le canal de Bourgogne) et traversé autant de départements (l'Yonne, la Nièvre, l'Allier, la Saône-et-Loire, et la Côte-d'Or).

Je n'ai rencontré aucun problème notable ni mécanique ni physique, sauf la défaillance de mon frein avant et la soif des fins d'étapes sur les derniers jours. Mon genou et mon dos ne se sont pas manifestés davantage sur le vélo qu'au repos. Et j'ai eu, malgré quelques coups de chaleur, beaucoup de chance avec le temps : je n'ai essuyé que quelques petites averses sur une matinée au départ d'Auxerre et j'ai échappé de justesse à l'orage à mon arrivée à Écuisses.

Je n'ai fait aucune visite "culturelle" et, finalement, cela me réjouit plutôt ! Je me suis surtout régalé des paysages, aussi bien le long des voies d'eau que dans les campagnes, ainsi que du vin et des spécialités culinaires de la Bourgogne. J'ai été accueilli dans les différents hébergements de façons très diverses, mais toujours agréables. J'ai fait de belles rencontres dont certaines que j'aurais aimé prolonger, comme avec Mary, Christian, Yvan et d'autres restés anonymes.

J'ai aussi un peu appréhendé quelques problèmes de cette France rurale. Tout n'est pas noir et les profits de la vigne et du tourisme assurent à certains une incontestable aisance. Mais, dans l'ensemble, une impression de déclin prévaut, en particulier dans les petits villages où les commerces et les services ont disparu. Cependant, les gens restent très attachés à leur campagne et il n'envisagent pas de partir vers les villes dont le mode de vie leur paraît aberrant et dont ils se sentent aussi incompris.

Il est temps pour moi de refermer cette parenthèse. Je vais aller ce soir chercher Marie-Claude à Orly. Nous allons prendre possession d'une voiture et (si je parviens à conduire !) entreprendre un tout autre voyage pour rendre visite à famille et amis et découvrir de nouvelles régions. Nul doute que ce sera aussi exaltant...

A la pointe du square du Vert-Galant

Promotion de la candidature de Paris pour les JO de 2024

La réunion de toutes les traces : 827 km parcourus




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