De la Charente à la Loire à vélo
Le projet - 21 mai 2018
Malgré de bénéfiques séances d’hydrotomie percutanée, j’ai estimé que mes genoux et lombaires n’étaient encore pas aptes cette année à supporter une itinérance pédestre un peu conséquente, sac au dos. J’ai donc à nouveau renoncé à mes projets de tour du Vercors ou, en moins ambitieux, du Morvan. Peut-être aurais je pu choisir un parcours sans difficultés, en faisant de très courtes étapes, à la manière de Jean-Paul Kauffmann remontant la Marne, mais j’avais envie quand même de quelque chose d’un peu plus dynamique !
J’ai finalement décidé de rechercher, comme l’an dernier avec le tour de Bourgogne, un nouvel itinéraire à parcourir en vélo. Un premier projet de tour de Bretagne, bien séduisant, a été abandonné suite aux conseils d’un ami breton qui a attiré mon attention sur des parties au relief sans doute trop accidenté. Après bien des recherches et des hésitations, j’ai opté pour un parcours reliant Angoulême à Tours qui me fera descendre la Charente, longer l’Atlantique et remonter la Loire.
Ce choix, qui peut paraître étrange, a plusieurs avantages : Angoulême et Tours sont deux villes facilement accessibles en train depuis Paris et la société France Vélo y assure la livraison et la restitution de vélos de cyclotourisme bien équipés (selon leur site) ; l’itinéraire emprunte des voies vertes ou véloroutes assez faciles (par beau temps) ; les régions traversées semblent agréables et me sont pas ou peu connues ; et un petit détour me permettra de passer par La Flèche pour quelques jours en famille.
Ce parcours devrait me prendre une quinzaine de jours en faisant des étapes de 60 km par jour en moyenne, en espérant que je n’ai pas mal évalué ni mon état de forme ni la distance à parcourir, et que la pluie et le vent ne viennent pas trop contrarier mon projet. Au total, je serai absent trois semaines de La Réunion, ce qui reste raisonnable pour un congé matrimonial ! Merci à Marie-Claude de me l’accorder.
Comme l’an dernier, j’ai passé beaucoup de temps en préparatifs. Ayant lu que la signalétique des véloroutes laissait souvent à désirer, j’ai téléchargé sur Internet les fichiers au format gpx des traces de presque tout mon parcours, ce qui n’a été possible que par petits tronçons et fut donc très chronovore. Plus longue encore fut la recherche des hébergements possibles. J’ai privilégié les chambres d’hôtes assurant la table d’hôtes, ce qui devient rare, la plupart ne proposant que le petit déjeuner.
Les traces que j'ai pu télécharger |
Une contrariété avant de partir : je suis tombé (lourdement bien sûr !) sur les fesses lors d’une randonnée jeudi dernier. J’ai depuis un mal pas trop violent mais persistant au coccyx. Je n’ai fait qu’un petit test à vélo hier ne voulant pas aggraver les choses : moyennement concluant ! On verra bien...
Si aucune grève ne vient perturber mon organisation, je serai cette nuit dans l’avion, demain matin dans le TGV et demain après-midi sur mon vélo...
Etape 1 - 22 mai 2018 - 32 km
De Angoulême à Châteauneuf-sur-Charente
Voyage de nuit en avion banal : j’ai mal mangé, regardé un film bizarre (La forme de l’eau), très peu dormi, beaucoup déambulé dans les couloirs, et je n’ai pas réussi à terminer les mots croisés de l’Express. Arrivée à Orly en avance. Les douaniers n’ont pas encore pris leur service, d’où grosse cohue au contrôle des passeports mais peu d’attente ensuite aux bagages !
A l’extérieur, petite fraîcheur et grand soleil. Le bus de 7h02 pour la gare de Massy-TGV est supprimé sans explication. Nous ne sommes que trois (tous réunionnais) à attendre. Nous hésitons à prendre un taxi, mais finalement le bus suivant est pile à l’heure, 7h32.
En attente du bus à Orly |
Dans le bus, je constate avec soulagement que la réactivation de mon Kit prêt à surfer d’Orange, effectuée depuis La Réunion, est bien fonctionnelle.
A la gare, où mon TGV est annoncé à l’heure contrairement à beaucoup d’autres, je me transforme en cycliste dans les toilettes. Le confort du TGV est sans rapport avec celui de l’avion : sièges larges et confortables, espace indécent pour étaler les jambes. J’essaie de ne pas sombrer dans le sommeil pour ne pas rater l’arrêt à Angoulême et me retrouver à Bordeaux ! Je me concentre sur l’observation des paysages où alternent forêts et zones cultivées pour le plus grand plaisir des yeux.
A 12h30, une charmante livreuse de vélo m’attend comme prévu sur le parvis de la gare d’Angoulême. En à peine un quart d’heure, elle me fait une démonstration du fonctionnement de tous les accessoires et un réglage de selle et guidon : charmante et efficace !
Mon vélo livré à la gare d'Angoulême |
Je prends ensuite un peu plus de temps pour transvaser tous mes sachets de mon sac de voyage dans les deux sacoches et me voilà parti. Je descends vers la Charente, trouve immédiatement le voie verte qui la longe et quitte ainsi Angoulême presque sans le vouloir, sans avoir fait la moindre course et même sans réserve d’eau ! Heureusement, après 20 minutes de pédalage, la Guinguette de Fléac m’invite à une pause gourmande. Je me contente raisonnablement d’une brochette de bœuf, de deux boules de sorbet et d’un café.
La Charente à Fléac |
Je reprends ensuite la descente tranquille de la Charente en essayant de suivre le fleuve au plus près, quitte à emprunter parfois des chemins un peu cahoteux. C’est très agréable. Je retrouve l’ambiance des voies d’eau navigables avec leurs écluses et déversoirs, leurs petits ports fluviaux, leurs cygnes et canards, leurs berges boisées, leurs nombreux pêcheurs.
Selon mon habitude, je fais de nombreuses pauses pour faire des photos ou engager des discussions. Et finalement, je n’arrive à Chateauneuf-sur-Charente que vers 17 heures. Je suis bien accueilli chez Arlette et Gaston dans leur chambre d’hôte unique. Ils me préparent le repas pendant que j’écris cet article après une bonne douche.
La trace du jour |
Etape 2 - 23 mai 2018 - 69 km
De Châteauneuf-sur-Charente à Saintes via Cognac
Belle soirée hier autour de la table de Gaston (85 ans) et Arlette (72 ans). Je ne connais pas seulement leurs âges mais à peu près tout de leurs vies : leurs carrières professionnelles, leurs soucis de santé, leurs voyages, les problèmes de leurs enfants et petits-enfants ! C’est Arlette qui raconte inlassablement, Gaston se contentant de quelques acquiescements sporadiques. Du coup, le repas, simple mais bon et copieux, se prolonge jusqu’à 23 heures malgré mes bâillements de plus en plus rapprochés.
Après une bonne nuit réparatrice et un petit-déjeuner agrémenté de gelées originales à la rose et aux coquelicots, je n’échappe pas à une longue visite commentée du jardin dont la partie florale fait (légitimement) la fierté d’Arlette. Je n’ose pas lui dire comme Gaston « tu me fais chier avec tes fleurs », d’autant qu’elle a tenu à me préparer gratuitement un sandwich contenant rosbif et tomates pour mon pique-nique de midi !
Les roses d'Arlette |
Je poursuis aujourd’hui la descente de la Charente en suivant la véloroute V92, récemment baptisée Flow Vélo pour faire plus tendance. La signalétique est assez correcte, mais il faut rester attentif et ne pas hésiter à vérifier la trace sur la tablette en cas de doute. On peut aussi désobéir pour éviter de trop longs détours.
Ce matin, l’itinéraire s’éloigne un peu de la Charente en empruntant de petites routes à très faible circulation à travers le vignoble de Cognac et de petits villages labellisés « Pierres et Vignes ». C’est bien agréable, mais pas tout à fait plat. Je m’aperçois que, si mon coccyx supporte bien la position assise (même sur une selle), il rechigne dès que je force le pédalage. Je dois donc rouler en sous-développement !
Je suis un moment la « Route Claude Bonnier, Chemin de la Liberté ». Claude Bonnier était un envoyé de Londres en 1943 chargé d’unifier les maquis de la région qu’il réorganisa en 70 groupes de choc. Son pseudo était Hypoténuse, raison qui éveilla sans doute mon intérêt ! Trahi, il fut arrêté et se suicida au cyanure pour ne pas risquer de parler sous la torture.
A midi, je trouve une aire de pique-nique aménagée au bord de l’eau. Trois tables sont installées, bien alignées, en plein soleil. Je préfère m’installer juste à côté à l’ombre d’un beau saule pleureur pour déguster le sandwich d’Arlette, ainsi qu’un œuf dur et une banane également offerts.
La Flow Vélo change ensuite de stratégie en empruntant essentiellement des pistes ou chemins à travers champs (récemment labourés) ou longeant la Charente. C’est agréable aussi ; on y voit des buses, des hérons et, plus surprenant, des cigognes. Mais cela secoue pas mal et c’est maintenant mon dos et mes bras qui souffrent un peu.
Je décide d’écourter en empruntant un bac pour traverser la Charente. C’est un vieux bac à chaîne qui permet de faire passer d’une rive à l’autre au maximum 2 voitures et 11 vélos. Mais j’assisterai aussi à la traversée d’un tracteur !
Traversée de la Charente sur un bac à chaîne |
Je rejoins ainsi Chanier où j’espérais boire un café, mais l’unique bar- restaurant venait de fermer. Le temps, beau jusqu’ici, se couvre soudain et je décide de rejoindre Saintes directement par la route. On entend des coups de tonnerre et quelques gouttes tombent mais je suis alors déjà à l’abri au bistrot de la Place de la Cathédrale. Un café, suivi d’une pression, m’aident à écrire le début de cet article.
Le soleil revenu, je ne visite évidemment pas la cathédrale, mais fais un petit détour pour aller voir les (beaux) restes de l’amphithéâtre Gallo-romain.
L'amphithéâtre Gallo-romain de Saintes |
Ma chambre d’hôte de ce soir, tenue par un couple d’Irlandais, ne propose pas la table d’hôte : je vais ressortir pour dîner au restaurant.
La trace du jour |
Etape 3 - 24 mai 2018 - 80 km
De Saintes à Saint-Laurent-de-la-Prée via Rochefort
Hier soir, Madeleine et Geoffroy m’indiquent un restaurant situé à 500 mètres de chez eux. Je m’y rends à pied. C’est un restaurant- grill de la chaîne Poivre Rouge que je ne connaissais pas. Bonne surprise : excellent onglet de bœuf et tarte chaude à l’abricot pas mal non plus. Un verre de Brouilly avec l’onglet et un cognac pour finir avant de quitter la région.
Ce matin, je ne verrai pas Madeleine mais j’ai obtenu que Geoffroy me serve le petit-déjeuner à 7h30. Nous déjeunons en même temps, mais lui dans la cuisine en robe de chambre et moi dans la salle à manger en tenue de cycliste ! Il essaiera ensuite de venir converser, comme pour essayer de retarder mon départ ! Il m’apprendra quand même que les cigognes sont plus nombreuses en Charente qu’en Alsace (à vérifier !). Aujourd’hui, suite et fin de la Flow Vélo et toujours sous le soleil.
Ce matin, comme hier, l’itinéraire évite les routes à forte circulation ce qui est bien mais a un prix : la distance se trouve considérablement augmentée et le dénivelé aussi avec quelques sérieux raidillons (heureusement courts). Et le revêtement de ces petites routes, pistes ou chemins est très inégal, avec quelques tronçons de mauvaise qualité.
Cela reste cependant agréable, à l’abri des voitures et avec des paysages très variés. Certains champs viennent d’être labourés, d’autres sont déjà cultivés mais les blés sont encore bien jeunes et les maïs ne dépassent pas 20 cm. Certains passages sont en forêts, d’autres encore longent des canaux aux berges où herbes folles et fleurs sauvages cohabitent.
Ce midi, je fais ma pause pique-nique au bord du charmant petit étang de Cabariot : un petit sandwich acheté à Saintes et le deuxième œuf dur cadeau d’Arlette. Je complète avec une mousse au chocolat et un café au snack du bord de l’étang.
L'étang de Cabariot |
J’atteins ensuite rapidement Tonnay- Charente jusqu’où remontaient encore récemment les bateaux marchands. Mais le port est maintenant désaffecté et ses abords constituent une vaste friche industrielle. J’aborde ici la seule partie désagréable de la journée : de Tonnay à Rochefort, il faut suivre la route départementale très fréquentée en empruntant une piste cyclable en mauvais état : les moults rapiéçages successifs constituent un tapis-mendiant bosselé du plus mauvais effet (sur mon dos !).
A l’entrée de Rochefort, je choisis d’éviter de traverser la ville en empruntant le Chemin de la Charente qui suit le fleuve dans l’un de ces derniers méandres. Je pensais ainsi éviter les demoiselles mais je les retrouve dans la nacelle du Pont transbordeur de Martrou. En image seulement bien sûr, d’autant que le pont, haut lieu du tournage du film, est actuellement en rénovation.
L'ancien (pont transbordeur) et le nouveau (pont routier) |
Sur la fin de mon long parcours, je suis encore la Charente presque jusqu’à son embouchure. Des pontons en bois s’avancent dans l’eau et se terminent par des guérites de pêcheurs équipées de carrelets.
La plaine alentour constitue une zone de marais, sillonnée par un réseau de canaux délimitant des pâturages où paissent des vaches et leurs veaux. Je m’imagine, peut-être à tort, que cela ressemble à la Camargue. En tout cas, j’apprécie beaucoup cet endroit.
Je suis ce soir dans une grosse ferme polyvalente pratiquant culture, élevage et accueil paysan. Le repas est bientôt prêt !
Etape 4 - 25 mai 2018 - 64 km
De Saint-Laurent-de-la-Prée à Marans via La Rochelle
Très belle soirée hier à la table d’hôte partagée avec 4 couples venant de différentes régions françaises. Dans cette ferme familiale, chaque membre, de la grand-mère aux deux filles, assure une part bien définie du travail. Le dîner, préparé par une des filles, Caroline, et animé par le père, est très bon et bien arrosé, du Pineau (blanc que je préfère au rouge trop doux) à l’apéro jusqu’au Cognac en digestif. Les produits de la ferme alimentent bien sûr les repas, mais sont surtout écoulés en vente directe dans un magasin de Rochefort monté avec d’autres producteurs. Curieusement, l’activité céréalière est gérée par une entreprise extérieure et la famille ne s’occupe que des 70 vaches et veaux, élevés sous leur mère mais en liberté dans les marais salants, ce qui leur confère une viande rouge.
Pendant la nuit, je rêve de mon premier bain dans l’Atlantique sous le soleil de mes trois premiers jours. Mais, au réveil, grande déception : le ciel est tout gris. Le temps de prendre mon petit-déjeuner et de faire la bise à Caroline avant que les autres hôtes n’apparaissent, la pluie est arrivée. Elle va persister toute la journée, d’une intensité variable, jamais très forte, mais sans interruption. Je m’équipe donc en conséquence : veste de pluie pour moi (mais sans le pantalon que je n’aime vraiment pas porter), housses de protection à l’avant et à l’arrière sur le vélo.
Les premiers kilomètres ne sont pas du tout agréables sur un mauvais chemin vicinal longeant l’autoroute A87. Mais rapidement j’atteins Châtenaillon et sa longue plage de sable ocre, évidemment déserte sous la pluie. Une étroite bande d’océan se laisse apercevoir avant de se confondre avec le ciel dans une brouillasse épaisse.
La Vélodyssée, véloroute qui longe toute la côte atlantique et que je vais suivre jusqu’à la Loire, est beaucoup plus fréquentée que la Flow Vélo, peut-être même infiniment plus puisque je n’ai rencontré aucun cycliste itinérant sur cette dernière ! Aujourd’hui, j’en aurai bien croisé une bonne trentaine et doublé deux, un couple de Suisses-Allemands avec lesquels j’engage en anglais une assez piètre conversation tout en roulant ; et il va sans dire que personne ne m’a doublé ! Je me demande si l’on pourrait déduire de ces décomptes que le trafic cycliste sur la Vélodyssée serait plus dense dans un sens que dans l’autre. Je tente d’ébaucher dans ma pauvre tête un modèle probabiliste permettant de répondre à cette question, mais je renonce assez vite lorsque je crois sentir s’évaporer l’eau mouillant mes cheveux !
En l’absence de vision des paysages au travers de lunettes couvertes de gouttes (je n’ai pas encore installer d’essuie-glace comme les Japonais), il faut continuer à occuper son esprit. Éviter d’écraser les limaces et les escargots, nombreux sur le chemin, constitue par exemple une saine occupation qui demande à la fois concentration et agilité !
À midi, je fais ma seule et longue pause dans un restaurant de La Rochelle. Je commande d’abord une assiette de bulots mayonnaise, puis des moules frites sauce mouclade (au pineau, excellent !), chaque plat accompagné d’un verre de vin blanc de l’Ile de Ré, mais il pleut toujours. Et puis une crêpe au caramel beurre salé et un café, mais il pleut toujours. Je consulte plusieurs sites de météo ; certains annoncent des orages de grêle et des rafales de vent pouvant atteindre 70 km/h.
Je me décide à repartir avec quelque appréhension. Mais finalement l’après-midi ne sera pas pire que le matin. Je renonce à emprunter une variante longeant la côte, décrite comme très belle, mais plus longue, et je rejoins ma destination du soir, Marans, par l’itinéraire le plus court qui suit pour l’essentiel le canal de Marans à La Rochelle. Un seul court arrêt sous un pont pour prendre la photo du jour, tous les appareils étant restés bien à l’abri.
L'unique photo du jour ! |
Au final, pédaler sous la pluie présente quelques avantages : on gagne du temps en évitant tout détour, on fait peu de pauses et on arrive plus tôt à destination où l’on peut prendre un peu de repos, bien au sec !
La trace du jour |
Etape 5 - 26 mai 2018 - 72 km
De Marens à Saint-Vincent-sur-Jard via La Tranche-sur-Mer
Encore une belle soirée hier au Clos de Beauregard en compagnie de deux couples d’Alsaciens qui découvrent ensemble chaque année une nouvelle région de France en restant plusieurs jours au même endroit. Notre hôtesse, Françoise, qui est d’un incroyable dynamisme et qui gère aussi une bio-coop, nous a concocté un repas simple, mais bon et équilibré .
Ce matin, ciel de nouveau gris au réveil. Mais, contrairement à hier, le soleil va s’installer progressivement sur la matinée. Il se cachera à nouveau en cours d’après-midi, mais aucune goutte de pluie ne tombera.
Port de Marens |
Guilleret après un copieux petit- déjeuner, je retrouve sans difficulté le fléchage de la Vélodyssée et le suis sans hésiter : je mettrai quelques kilomètres à m’apercevoir que je roule dans le mauvais sens ! Sous un demi-soleil, les paysages ne ressemblaient plus trop à ceux d’hier sous la pluie ! Erreur vite réparée en empruntant un chemin d’exploitation à travers champs.
Pour rejoindre l’océan, l’itinéraire longe des canaux, emprunte des digues, traverse des champs ou des prés. On est dans le Parc National du Marais Poitevin. C’est un plaisir pour les yeux avec des fleurs sauvages, des vaches, des chevaux, des moutons, ces derniers étant utilisés pour l’entretien des digues.
Les moutons à l'entretien de la digue |
Certains tronçons, qui traversent de grosses exploitations céréalières, sont cependant moins agréables ; je force alors mon allure jusqu’à faire chauffer mes cuisses.
Dans cette première partie, je fais beaucoup de pauses pour faire des photos et engager des discussions avec un cueilleur de champignons (il cherche, sans en trouver ce matin, des pholiotes de peupliers, délicieux selon lui), des jeunes pêcheurs qui moulinent frénétiquement leurs treuils pour remonter leurs carrelets du haut d’un pont au dessus d’un canal envasé (ils remonteront devant moi deux beaux mulets, mais pas l’anguille espérée) et bien sûr des cyclistes itinérants (les plus nombreux sont des campeurs et ont de lourds chargements et certains sont engagés dans de très longs périples, de plusieurs mois parfois).
Pêche au carrelet |
Je rejoins ensuite le littoral au niveau de l’Aiguillon sur Mer avec son port de plaisance et ses bassins ostréicoles. Et puis ce sera la Faute sur Mer où je suis rattrapé par le souvenir de la tempête Xynthia de 2010.
Je quitte la Vélodyssée pour aller voir de près les lieux du drame : certaines maisons de la zone touchée sont à l’abandon, mais pas démolies, et d’autres sont à nouveau occupées. Pourtant, 8 ans après, les travaux de renforcement des digues sont loin d’être terminés et les parties achevées ne m’ont pas paru rassurantes.
Piètres travaux de sécurisation |
Entre la route et la côte se succèdent des campings, encore très peu fréquentés en cette fin mai. Certains se désignent en tant que « hôtels de plein air » et regorgent de mobil-homes qui n’ont plus rien de mobiles ! Plus loin, je fais ma pause déjeuner dans un petit restaurant sympathique de la Tranche sur Mer et consomme local : une douzaine d’huitres de l’Aiguillon et un verre de vin blanc de Mareuil. Je céderai aussi à la tentation d’une tarte au citron revisitée !
La fin du parcours s’effectue dans la forêt entre la route et le littoral. Plusieurs impasses mènent au bord de mer. J’emprunte successivement deux d’entre elles et débouche sur la même très longue et belle plage. Des surfeurs sur de petites vagues, aucun baigneur et des panneaux indiquant « baignade dangereuse ». J’hésite mais résiste cette fois à la tentation : je vieillis !
La Plage des Conches |
Je suis ce soir dans une structure appelée Aux Bois Flottés. Chambre confortable, mais pas de table d’hôte. On m’a réservé une table au restaurant voisin.
Etape 6 - 27 mai 2018 - 72 km
De Saint-Vincent-sur-Jard à Le Fenouiller via Les Sables d'Olonne
Hier soir, dîner rapide et léger (poêlée de saint-jacques et coupe de glace) dans un petit restaurant tranquille. Ce matin, petit-déjeuner en abondante compagnie. Les patrons de cette structure, avec 5 chambres d’hôte et un gîte, ont vu trop grand, raison pour laquelle ils ont dû abandonner la restauration du soir, la dame étant épuisée. Je discute avec un couple de tout nouveaux retraités qui pratiquent pour la première fois la randonnée à vélo et sont ravis de cette expérience.
Mes deux premières heures sur le vélo sont un enchantement. L’itinéraire se déploie à nouveau dans le Marais Poitevin. Contrairement à hier, cette zone n’a pas été gagnée sur la mer, mais elle a seulement été aménagée par l’homme. Les parcelles, privées, sont bien entretenues, les canaux sont poissonneux. On y trouve chevaux, vaches, chèvres, moutons, oiseaux, papillons. Le ciel est mi-couvert ; lors des éclaircies, le soleil sublime d’un coup le paysage.
Dans les Marais Poitevins |
Je rejoins ensuite le littoral. La voie verte qui le longe offre de beaux points de vue sur la côte mais, en ce dimanche matin, elle est très fréquentée par des promeneurs, des joggeurs, des cyclistes, se déplaçant à des allures très variées. Il en résulte un véritable embouteillage et quelques invectives fusent ! Pour ma part, je reste zen et distribue d’aimables signes de la tête ou de la main, des sourires et des bonjours qui récoltent peu de retours !
Et puis voici Les Sables d’Olonne, le seul moment désagréable de la journée ! Certes, la plage de sable est vaste (c’est bien le moins !), quelques beaux navires occupent les ports de pêche et de plaisance, le centre ville ancien comporte de jolies maisons, mais tout cela est annihilé par les hideuses barres d’immeubles du front de mer, par la circulation automobile bruyante et par la sur-fréquentation humaine.
Les Sables d'Olonne |
Je m’extrais le plus vite possible de cette ville et retrouve au nord une belle voie verte qui longe d’abord une nouvelle jolie partie de littoral, puis s’en écarte pour zigzaguer de part et d’autre de la route départementale. À droite, on retrouve des marais avec toujours autant de ravissement.
La voie verte dans les Marais d'Olonne |
À gauche, c’est la forêt, agréable aussi, mais le chemin est de ce côté assez vallonné et les petits raidillons successifs font rapidement souffrir le bas de mon dos (ou bien s’agit-il du haut de mes fesses ? !). Je fais une pause et procède sur une table à une bonne séance d’étirements à l’étonnement (ou la réprobation ?) des occupants de cette aire de pique-nique.
Vers 13h30, ayant accompli une grande partie de mon parcours du jour, je m’arrête dans une crêperie peu avant Bretignolles-sur-Mer. Pas de fruits de mer donc, mais je continue à consommer local en choisissant une galette fourrée au jambon vendéen et aux mogettes (des haricots blancs, spécialité de la Vendée aussi). Bonne pioche : je me régale. Avec une bolée de cidre évidemment.
La côte vers Brétignolles-sur-Mer |
La fin du parcours longe encore une partie de littoral, plus sauvage, puis s’en tient à distance pour laisser la place à une jolie lande protégée. Avant Saint-Gilles-Croix-de-Vie, je quitte la voie verte pour gagner par de petites routes de campagne mon hébergement, au Fenouiller, où j’ai le plaisir de retrouver ce soir mes amis Michèle et Jean-François.
La trace du jour |
Etape 7 - 28 mai 2018 - 73 km
De Le Fenouiller à Noirmoutier via Saint-Jean-de-Monts
Ce fut une délicieuse soirée hier en compagnie de Michèle et Jean-François. Nous échangeons des nouvelles et sommes heureux de nous retrouver tout simplement. En plus, le domaine géré par Dominique et Christian est très agréable avec un grand parc boisé. Michèle et moi profitons de la piscine avant le repas pendant que Jean-François observe les nids pour les mésanges installés par Christian dans les chênes.
Ce matin, après petit-déjeuner et embrassades, je n’enfourche mon vélo qu’à 9h15. Je rejoins Saint-Gilles-Croix-de-Vie rapidement, par de petites routes, au niveau du port de plaisance qui m’impressionne par le nombre de bateaux qui s’y entassent.
Le porte de plaisance de Saint-Gilles-Croix-de-Vie |
J’échappe ainsi à la grande plage au sud et longe vers le nord la belle corniche au pied de laquelle s’activent les ramasseurs (ou cueilleurs ?) de moules, crabes et bigorneaux.
Jusqu’au pont de Noirmoutier, l’itinéraire se poursuit le plus souvent en voie verte dans la forêt domaniale des Monts. Cette forêt est très riche. Sous de hauts pins, on trouve une grande variété de feuillus. Cette diversité rompt la monotonie de ce long parcours. Les acacias sont en fin de floraison, mais je parviens quand même à attraper une belle grappe de leurs fleurs pour les manger, retrouvant ainsi le souvenir des beignets de mon enfance.
Dans la forêt des Monts |
Comme hier, ce beau chemin, dont le revêtement bien damé est irréprochable, a le défaut, compte tenu de mon problème de coccyx, d’être vallonné. A la longue, mes douleurs reviennent mais je ne me donne pas à nouveau en spectacle sur une table de pique-nique. Je me contente dans les descentes de me tenir debout en creusant le dos sur une pédale puis sur l’autre. C’est moins efficace que les étirements, mais ça soulage un peu quand même.
Comme hier aussi, je n’apprécie vraiment pas la traversée des stations balnéaires. À Saint Jean de Monts, même la Plage des Demoiselles ne parvient pas à me séduire. Il faut dire que des tractopelles s’emploient à la reconfigurer avant la saison estivale. De l’autre côté, on retrouve les toujours hideuses barres d’immeubles. En plus, tout est vide, la plage comme les immeubles, et a on l’impression de traverser une ville fantôme que ses habitants auraient désertée après une quelconque catastrophe.
La plage des Demoiselles à Saint-Jean-de-Monts |
Notre Dame des Monts donne un peu moins dans le gigantisme. J’y fait ma pause déjeuner dans un petit restaurant et me régale d’une plancha d’encornets, chorizo, saint- jacques et moules, accompagnée de frites et d’un verre de vin blanc. Je testerai aussi par obligation la tarte au citron car il s’agit pour moi d’un sujet d’étude : peut mieux faire !
Frayeur au pont de Noirmoutier : la piste cyclable pour accéder à l’île est en travaux et annoncée comme fermée. Sur les conseils de deux cyclistes, je traverse prudemment la route où la circulation est intense pour emprunter à contre-sens la piste permettant normalement de sortir de l’île. Celle-ci est très étroite ; heureusement aucun cycliste ne s’engage dans l’autre sens : un croisement aurait été bien délicat.
Je longe ensuite la côte ouest en retrouvant une ambiance proche de celle de l’Ile de Ré avec de basses maisons aux murs blancs et aux volets dans des tons pastels. Je traverse enfin une zone de marais salants pour atteindre le centre ville de Noirmoutier en l’Ile où se trouve mon petit hôtel de ce soir.
Marais salants à Noirmoutier |
La trace du jour |
Etape 8 - 29 mai 2018 - 53 km
De Noirmoutier à Les Moutiers-en-Retz
Le temps est à l’humidité. J’ai du mal à faire sécher mon linge. Mais la pluie a le bon goût de tomber la nuit. Hier soir quelques gouttes et coups de tonnerre m’accompagnent à la sortie du restaurant où je me suis montré raisonnable : lasagnes aux légumes et mousse au chocolat (mon autre sujet d’étude concernant les desserts).
Aujourd’hui, après une dernière averse matinale, le ciel se dégage opportunément pendant le petit- déjeuner. Je décide donc de faire un petit détour vers la Plage des Sableux et de revenir en ville par la jetée Jacobsen entre le chenal d’accès au port et la réserve naturelle des Marais de Müllembourg. Ce passage est de toute beauté : premier moment fort de la journée.
La jetée Jacobsen |
En ville, c’est jour de marché. Il y a peu de monde à cette heure et je peux tranquillement parcourir les allées à vélo. La plupart des fruits et légumes viennent de loin (du sud de la France, d’Espagne ou du Maroc) et je résiste aux cerises du Roussillon. Le seul produit local semble être les pommes de terre, grenailles ou nouvelles, dont j’apprends qu’elles sont une des spécialités de Noirmoutier. Dans le marché couvert, ce sont surtout les homards et les tourteaux vivants qui attirent mon regard.
Je m’écarte un moment des pistes cyclables officielles, qui sont de bonne qualité mais longent trop souvent les routes à forte circulation, pour emprunter de petits chemins traversant champs de pommes de terre, marais salants et zones ostréicoles. Je retrouve plus loin une voie verte qui, entre océan et marais, me mène agréablement au fameux gois.
Il s’agit d’un passage, praticable seulement à marée basse, reliant l’île au continent. A l’origine naturel, il est maintenant recouvert de pavés (glissants !) et en petite partie de bitume. Ayant évidemment bien calculé mon affaire, je m’y présente 1h30 avant la marée basse pour assister à l’ouverture. C’est un incroyable spectacle que je ne saisis pas bien au début : un flot de voitures s’engage sur le passage, mais pas pour traverser ; elles stationnent le long de la voie partout où cela est possible et, en quelques minutes, l’estran qui se dégage de la mer est envahi par une nouvelle marée... humaine !
Ce sont les pêcheurs à pieds qui partent, avec râteaux et seaux, à la recherche de palourdes, de pétoncles, de coques, de bigorneaux et même d’huîtres sauvages. Pour chaque espèce, une taille minimale et une quantité maximale est à respecter par personne et par jour.
Je m’engage prudemment à mon tour et mettrai 45 minutes pour parcourir les 4 kilomètres du passage en multipliant les pauses : photos, lectures de panneaux explicatifs ou simple observation. Ce sont maintenant des centaines de personnes qui fouillent le sable. Il y a des touristes débonnaires, mais aussi des locaux beaucoup plus actifs et efficaces. À intervalles réguliers le long du gois, se dressent de petites plateformes, perchées sur un mât à environ 5 mètres de hauteur, qui constituent des refuges pour ceux qui se laisseraient prendre par la marée montante.
Après ce deuxième temps fort du jour, je reprends roues sur le continent et retrouve la Vélodyssée, que j’emprunte sans hésiter dans le bon sens, vers le nord, sans le perdre donc ! Ce tronçon va de petits ports en petits ports (ports du Bec, des Champs, des Brochets, du Collet). Tous se ressemblent, mais chacun a son cachet... et son bar à huîtres ou restaurant de fruits de mer. Depuis ce matin que des dégustations me sont proposées, à 12h30 je n’y tiens plus et c’est au port des Brochets que je craque : un petit plateau raisonnablement composé de crevettes grises, de bigorneaux, de 6 huîtres et 6 palourdes. Ce sont ces dernières qui me régalent la plus dont je retrouve avec plaisir le goût oublié.
Port des Champs |
Je tarde un peu, me laissant encore tenter pour mes études par une mousse au chocolat, et je ferai bien car je vais ainsi laisser passer un gros orage. Je ne ferai qu’entendre le tonnerre et en mesurer plus loin les effets : je devrai éviter les flaques d’eau sur des routes inondées ou pédaler plus fort sur des pistes au revêtement ameubli par la pluie.
Entre les ports, l’itinéraire louvoie dans la campagne ou longe l’océan. J’aperçois quelques éoliennes, heureusement à l’arrêt. Des cabanes au bord des chenaux et des pontons s’avançant vers l’océan sont équipés de carrelets, mais je ne verrai pas pratiquer cette pêche si particulière.
J’ai fait aujourd’hui une étape plus courte. Cela m’a permis de prendre mon temps et d’arriver moins fatigué et plus tôt à ma chambre d’hôte qui ne fait pas table d’hôte et qui est trop bien (et trop chère) pour moi ! Pour compenser, pas de restaurant ce soir : je me suis acheté une salade de museau et un bout de fromage que je mangerai sur place plus tard.
Pour l’instant, je sors de la piscine dans laquelle j’ai fait quelques longueurs et un peu d’aquagym en évitant les mouvements de pédalage !
La trace du jour |
Etape 9 - 30 mai 2018 - 65 km
De Les Moutiers-en-Retz à Saint-Viaud via Pornic
Hier soir, j’expédie assez vite mon repas froid sur une table au bord de la piscine. Le ciel est plombé et il commence à faire frais. Ce matin, petit-déjeuner en compagnie d’un couple de Belges qui se sont posés là pour 10 jours et ne me semblent pas très dynamiques.
Il a encore plu dans la nuit et je me lance sous un ciel couvert. J’ai maintenant quitté la Vendée dont j’ai beaucoup apprécié pendant plusieurs jours les voies vertes bien entretenues et bien fléchées sous le label « La Vendée à Vélo ». Je ne suis pas non plus en Bretagne, mais dans une curieuse extension administrative des Pays de Loire. La Vélodyssée emprunte ici le tracé de la Vélocéan. On peut en fait comparer la Vélodyssée à un coucou qui ne fait que déposer son logo sur des panneaux indicateurs installés avant même sa création.
Je rejoins rapidement Pornic par la route en faisant quelques crochets pour aller voir de jolies plages comme celles de la Bernerie-en-Retz ou de la Boutinardière.
Plage de La Bernerie-en-Retz |
Pornic reste une petite ville bâtie autour de son charmant ancien port (le nouveau l’est beaucoup moins) et dominée par son château. J’y fait la rencontre de deux couples de Bourguignons qui vont en finir ce soir avec leurs deux semaines de remontée de la Vélodyssée. Je leur parle de mon tour de Bourgogne de l’an dernier dont ils ne connaissent qu’une petite partie.
Le vieux port de Pornic |
Malgré le temps toujours morose, voire menaçant, je décide de faire le détour que j’avais prévu par la Pointe Sainte-Gildas. Je ne serai pas déçu. La côte sud surtout de Pornic à Préfailles est de toute beauté. Je la longe au plus près possible pour admirer les petites criques successives enchâssées entre des parties rocheuses.
La côte de Jade |
J’emprunte même plusieurs tronçons du sentier littoral réservé aux piétons. Deux vieilles dames, à l’air espiègle, m’assurent que je pourrais me faire verbaliser par la gendarmerie à cheval ! Se moquent-elles de moi ? Côté terre, on voit de grandes vieilles bâtisses du 19ème siècle, certaines décaties, d’autres restaurées avec plus ou moins de bonheur.
On peut aussi suivre le Circuit des Peintres qui expose des reproductions de tableaux inspirés par cette côte de Jade.
J’atteins, une nouvelle fois en infraction, la Pointe Sainte-Gildas d’où je peux apercevoir l’Ile de Noirmoutier qui ne semble pas si loin (à vol de mouette). Je m’attarde un peu moins en remontant la côte nord, que je trouve moins plaisante, et arrive aux grandes plages de Tharon puis de Saint-Michel-Chef-Chef. Je ressens quelques gouttes de pluie, juste suffisantes pour justifier une pause dans le premier restaurant qui se présente. Pas de fruits de mer ce midi, mais une bonne entrecôte frites. Et la petite averse durera moins longtemps que mon repas.
Est-ce l’effet de l’entrecôte, ou la morne perspective des immeubles que j’aperçois plus loin vers Saint Brévin, ou l’envie de raccourcir mon étape ? En tout cas, je décide de tourner définitivement le dos à l’océan et de mettre le cap à l’est vers la campagne. Les petites routes que j’emprunte sont certes un peu vallonnées (« c’est pas le plat pays ici » m’avaient prévenu les Belges de ce matin !). Mais elles sont tranquilles et agréables. Peu de céréales ici ; nous sommes dans une zone d’élevage où la plupart des champs sont destinés à faire du foin pour les vaches... et les chevaux dont je vois deux élevages. Sont-ils destinés à la gendarmerie ? Ce doute m’obsède !
Le ciel passe par toutes les nuances de gris, mais il ne pleut pas. C’est sans aucun prétexte que je fais une dernière pause au bar-tabac-PMU de Saint-Père-en-Retz où je me paye une pression et où les paris vont bon train sur les courses de chevaux, de la gendarmerie sans doute !
Mon tête lé pu bon : il est temps d’en terminer ! Et me voici dans une charmante petite structure familiale, perdue dans la campagne, faisant chambre et table d’hôte. Aucuns chevaux aux alentours.
La trace du jour |
Etape 10 - 31 mai 2018 - 43 km
De Saint-Viaud à Indre via Paimboeuf
Quel bel accueil hier soir aux Trois Étangs chez Martine et Daniel dans leur ancienne ferme rénovée avec goût et simplicité ! Daniel a malheureusement de gros problèmes de santé et c’est maintenant Martine qui doit assurer seule l’entretien de leurs deux chambres d’hôte et du jardin cultivé en permaculture. Dans ce dernier, tout est mélangé, fleurs et légumes, mais pas n’importe comment, les unes devant servir de protection aux autres. Il faut construire des buttes, aménager des rigoles (non, ce n’est pas drôle !), pailler certains pieds, recouvrir d’herbe les jeunes plants,...
Chambre d'hôtes des Trois Etangs |
En compagnie d’un montpelliérain, venu pour contrôler les tubes fabriqués, en alliage de zirconium, par Framatome (ex Areva) à Paimboeuf, nous partageons à la table familiale un repas composé avec des produits issus du jardin et d’une ferme du village voisin. Martine, sans être intégriste, milite pour le bio et contre le nucléaire (c’est un résumé !). Elle peste contre ses voisins du hameau, un jeune couple qui a repris une exploitation, abattu les haies pour créer un grand champ de maïs, s’est endetté pour acheter du matériel... et le regrette maintenant.
Ce matin, je me lève tôt pour partager le petit-déjeuner avec le contrôleur qui doit partir travailler, mais démarre tard, Martine me faisant faire une nouvelle visite commentée de son jardin. Le ciel est toujours aussi gris et je ne verrai pas encore le soleil aujourd’hui. Mon étape étant courte, je décide de la rallonger pour aller voir Paimboeuf. Après une dizaine de kilomètres à travers la campagne, je rejoins ce joli petit village et port sur l’estuaire de la Loire. Je suis surpris par le style de l’église, ni roman ni gothique (mais je n’y connais rien en ce domaine !). Je me laisse aller à prendre une photo (je vieillis et mon tête lé pu bon comme déjà constaté !).
L'église de Paimboeuf |
Plus normalement, je photographie aussi le phare terrestre, le seul encore en activité, qui balise l’estuaire la nuit.
Le phare terrestre de Paimboeuf |
Une première averse me conduit à une pause café dans un bar-tabac-presse ne faisant pas PMU (ouf !). Ici défilent des acheteurs de cigarettes et des gratteurs de jeux de hasard, beaucoup étant doublement intoxiqués. Le rayon presse ayant moins de succès, j’achète l’Express pour me distinguer et pour les mots croisés dont j’aime bien la tournure d’esprit souvent assez tordu !
Je redémarre après l’averse sur une selle mouillée que j’avais oublié de protéger dans ma précipitation à me mettre à l’abri. Je vais suivre maintenant (plus ou moins selon ma fantaisie) jusqu’à Angers le célèbre itinéraire « La Loire à Vélo ». Je traverse d’abord une zone industrielle en passant devant l’usine Framatome (en cours de contrôle !), puis une nouvelle partie de campagne (je me fais un film !), et atteins le Canal Maritime de la Basse Loire.
C’est ici que la pluie reprend, un crachin plutôt, pas bien fort mais continu et qui va m’accompagner longuement pendant la quinzaine de kilomètres le long du canal rectiligne. Dans ce cas, on rentre la tête dans les épaules, on serre les dents, et on pédale sans rien voir d’autre que des gouttes sur des lunettes ! A La Martinière, le canal se jette dans la Loire et moi dans la première crêperie venue. Une galette au Curé nantais et une crêpe aux pommes poêlées me réconforteront.
Le canal de La Martinière sous la pluie |
La pluie a de nouveau cessé et me voilà reparti pour une dizaine de kilomètres en rive gauche de la Loire : itinéraire plaisant, gentiment vallonné, à travers bois et prés. Je profite aussi du parc et du château du Pé avant finalement de traverser la Loire par un bac qui me dépose à Indre presqu’en face de mon hôtel de ce soir.
Le bac pour traverser la Loire |
Le trace du jour |
Etape 11 - 1er juin 2018 - 51 km
De Indre à Oudon via Nantes
Dans mon petit hôtel d’hier soir, les clients sont des ouvriers ou employés qui restent là toute la semaine : pas d’autres cyclistes et aucun touriste. Les chambres sont petites, les douches et les toilettes communes sur le palier, mais tout est propre et fonctionnel. On ne se creuse pas la tête pour comprendre le fonctionnement du mitigeur comme dans certaines chambres d’hôte !
Le jeudi soir est spécial : un groupe d’une dizaine d’habitants du coin, tous des hommes, ont l’habitude de se retrouver autour du comptoir pour l’apéro. Certains sont à la bière, mais ce sont plutôt les bouteilles de vin rouge qui défilent. Le nombre de tournées générales est impressionnant. Les paroles sont fortes mais volent bas, sur les tenues des joueuses de tennis à Roland Garros par exemple !
Après le départ de cette bande, dont chaque membre aura peut- être du mal à retrouver son propre foyer, je passe à table avec les clients de l’hôtel. Nous sommes tous en demi-pension avec un menu imposé qui change chaque jour : repas simple, copieux, complet (avec fromage ET dessert). Le carré de cochon braisé à l’hydromel est excellent.
Ce matin, petit-déjeuner servi dès 6h30. À 7h, tout le monde est parti et je suis le mouvement après avoir payé une somme modique. Dommage que ce genre d’hôtels ne se trouve pas partout !
Je ne reprends pas le bac et roule jusqu’à Nantes en restant en rive droite de la Loire. Ce ne fut peut- être pas le meilleur choix car j’atteindrai la ville au sein d’une circulation automobile intense et cerné par de vastes zones industrielles, avec des voies cyclables discontinues. Nantes (Naoned en breton) m’apparaît comme une ville en travaux, dominée de tous côtés par de hautes grues.
Le centre ville est très animé et encombré par les voitures malgré les lignes de tramway. Il faut dire que les travaux de construction d’une nouvelle gare rendent la circulation compliquée (surtout pour les vélos bien sûr !). J’observe bien le pont, mais aucun bal n’y est donné !
Le tramway nantais |
Je fais une assez longue pause pour parcourir à pied le Jardin des Plantes, numéro 1 des sites à visiter selon TripAdvisor. C’est en effet un beau parc avec beaucoup de grands arbres dont plusieurs sont remarquables. Un peu vallonné, avec plusieurs petits plans d’eau, on y voit aussi des canards et même des hérons.
Au Jardin des Plantes de Nantes |
Je suis un peu perturbé par la marche tant je suis habitué à ne faire que pédaler ! Je m’assieds un moment sur une causeuse, mais personne ne viendra prendre la place d’à côté en vice-versa.
La causeuse |
J’ai quelques difficultés à rejoindre l’itinéraire de la Loire à vélo, mais sors ensuite très vite de l’agglomération. Je roule tranquillement, le plus souvent sur une voie verte en sous-bois entre la Loire et des prés.
Entre champs et Loire |
Vers 10 heures, de rares trouées de ciel bleu se font voir et, par l’une d’elle perce un rayon de soleil, le premier depuis 3 jours. Il y en aura de plus en plus au cours de la journée, mais le ciel restera encore largement gris.
Je fais alors une délicieuse rencontre : une belle jeune femme blonde d’une trentaine d’années. C’est une Allemande à vélo qui est partie de chez elle à Stuttgart il y a 15 jours, seule avec son fils de 5 ans. A l’avant de son vélo est installée une carriole dans laquelle le gamin peut s’installer. A l’arrière, elle tire un petit vélo pour les moments où l’enfant a envie de pédaler. Et puis il y a de grosses sacoches surmontées d’un sac contenant une tente car, oui, elle campe ! Son projet est de continuer ainsi à descendre la Loire, puis la côte atlantique jusqu’à Bordeaux, où elle prendra 3 semaines de vacances rejointe par son mari, de reprendre ensuite son périple vers la Méditerranée qu’elle longera avant de remonter par la vallée du Rhône, puis celle de la Saône, et de rentrer finalement chez elle dans 3 mois ! Je suis époustouflé : casque bas, madame !
J’ose à peine lui parler de mon ridicule petit projet. Je me sens minable. Encore plus quand, un peu plus loin, je mettrai lamentablement pied à terre, incapable de franchir sur mon vélo le petit raidillon montant au centre du village de Mauves-sur-Loire où j’ai décidé de faire ma pause déjeuner. Je me contente d’un repas léger (filet de cabillaud et crémé brûlée) : c’est tout ce que je mérite !
La Loire à Mauves-sur-Loire |
Entre Mauves-sur-Loire et Oudon, l’itinéraire passe en rive gauche. Il s’éloigne notablement de la Loire en restant dans la vallée et en empruntant de petites routes à travers une campagne verdoyante : des bois, des prés, des champs (de poireaux notamment). Je fais une incursion remarquée dans l’Ile d’Or, entièrement occupée par un vaste golf strictement réservé aux golfeurs selon une pancarte à l’entrée. Il semble que mon moyen de locomotion et ma tenue me dénoncent !
Le pont de Oudon |
Et me voici à Oudon, de retour en rive droite, au Pied de la Tour : c’est le nom de la maison d’hôte que j’occupe seul ce soir.
La trace du jour |
Etape 12 - 2 juin 2018 - 50 km
De Oudon à Chalonnes-sur-Loire via Ancenis
Hier soir, j’avais en fait à ma disposition tout un appartement avec cuisine et salon. C’est franchement vieillot et je ne serai pas surpris d’apprendre qu’il s’agit de l’ancien logement des parents des propriétaires actuels, Marie-Jo et Jean. Je me suis acheté un repas froid que je mange devant la télé avant de regarder le match France- Italie.
Ce matin, au petit-déjeuner, Marie-Jo m’apprends qu’elle a reçu la veille « mon » allemande, chassée du camping par l’orage, et qu’elle a rechargé les batteries de son vélo. Elle roulait donc avec une assistance électrique, ce que, dans mon éblouissement, je n’avais pas vu. Me voilà moins admiratif !
Je démarre sous le soleil et c’est un plaisir de voir enfin s’éclairer les paysages. Très rapidement, je fais une nouvelle extraordinaire rencontre, celle de Wens, un Belge de 53 ans ayant décidé, ses enfants devenus adultes, de vivre en nomade. Depuis plusieurs années, il roule à vélo à travers l’Europe. On discute longuement et je pourrais écrire un article entier sur lui et son incroyable engin, maintes fois trafiqué. Je renvoie à la page Facebook wenslenomade qu’un ami a créé pour lui.
Juste avant Ancenis, je fais une petite boucle (à vélo sur des chemins pédestres !) pour découvrir l’Ile Mouchet. Ce n’est plus une île depuis longtemps, mais une relique bocagère constituée de toute petites prairies délimitées par des haies. Tout à fait charmant ! Après un petit tour dans la ville, je repasse en rive gauche, ayant décidé de poursuivre par la variante sud qui me semble plus agréable. Contrairement à ceux franchis hier, le pont d’Ancenis comporte une voie protégée pour les vélos, et c’est bien rassurant.
Le pont de Ancenis |
Je retrouve les prés occupés par de petits troupeaux de vaches ou moutons. Tout est à taille humaine, même les quelques champs de blé joliment encoquelicotés. Et puis je traverse des zones de boires (terme ligérien pour désigner les bras morts de la Loire) qui sont de riches niches écologiques pour la faune et la flore.
Dans une zone de boires |
Les chants des oiseaux accompagnent mon maigre pique-nique de midi (une boîte de maquereaux au vin blanc et un morceau de fromage quand même) : je me réserve pour la table d’hôte commandée ce soir ! A Saint-Florent-le-Vieil, j’arpente en poussant mon vélo les ruelles, jolies mais trop pentues, du vieux bourg avant de boire un simple café (sans dessert) au bistrot du bas du village.
Le tronçon suivant jusqu’à Montjean-sur-Loire est un peu moins agréable. Certes il longe au plus près la Loire, dont les petites îles, les bancs de sable et les rives boisées sont si caractéristiques de ce fleuve, mais je roule sur une départementale où se succèdent de longues lignes droites. Je m’amuse en forçant l’allure à essayer de rattraper deux cyclistes que j’ai en ligne de mire. Il me faudra une dizaine de minutes d’effort pour constater qu’il s’agit d’un couple de tricheurs équipés de V.A.E. ! Et ils ne font que regagner leur camping-car garé un peu plus loin !
A Montjean, l’eau tiède de ma bouteille ne suffisant plus à étancher ma soif, je fais une pause dans un bar en bord de Loire. Je me paye une blonde allemande (et me demande où Elle peut être arrivée aujourd’hui !). Et je fume, pour la première fois de mon séjour, un mini-cigare qui provient toujours de la même boîte achetée l’an dernier pendant mon tour de Bourgogne !
Le pont de Monjean-sur-Loire |
La fin de mon parcours va être de nouveau bien plaisante. Elle se déroule dans l’Ile de Chalonnes, une vraie île cette fois et la plus grande de la Loire (près de 10 kilomètres de long). C’est de nouveau une zone de campagne très tranquille, plus consacrée aux cultures qu’à l’élevage.
L'île de Chalonnes |
Et on y trouve un endroit insolite, que mon ami François m’avait signalé : le LENIN CAFÉ. Il s’agit d’une structure associative qui est à la fois un musée consacré à Lénine, un bar dans la journée et un lieu de dîners-spectacles le soir, le tout créé par une certaine Martine, qui semble être une figure locale. Je fais là ma dernière pause en sirotant une citronnade et en écoutant Monique, la bénévole de service aujourd’hui, me parler de cette aventure. Pour plus de détails, voir le site Internet lenincafe.com !
Au LENIN CAFÉ |
J’ai bien bu. J’ai bien roulé. La journée fut bien agréable, la plus belle depuis les Marais Poitevin. Mais j’ai faim ! J’attends avec impatience mon dîner en table d’hôte...
Etape 13 - 3 juin 2018 - 33 km
De Chalonnes-sur-Loire à Beaucouzé
Une bien agréable soirée hier chez Joëlle et Claude qui m’ont offert un bon repas, pas trop copieux mais bien accompagné de vins d’Anjou, et un intéressant moment d’échanges. Ce matin, je retrouve comme convenu François, conduit jusqu’à Chalonnes en voiture par un ami ayant accepté de se lever tôt en ce dimanche pour le déposer. Michèle a fait le voyage aussi, avec son bras en écharpe, pour me faire une première bise et s’assurer que François n’oublie pas de mettre son casque !
Dès le départ, nous traversons trois ponts successifs sur des bras de la Loire pour rejoindre la rive droite. Aussitôt, nous faisons une nouvelle rencontre inattendue : un marcheur à la Stevenson accompagné de son ânesse, Oseille, dont la charge impressionne. Partis de Belfort, ils en sont aujourd’hui à leur 50ème jour de marche ! Ils comptent se rendre jusqu’au Croisic, avant peut- être de poursuivre en descendant la côte atlantique.
L'ânesse Oseille et son compagnon |
Jusqu’à Bouchemaine, nous suivons toujours le tracé de la Loire à vélo. Nous ne sommes jamais bien loin du fleuve dont les eaux sont encore boueuses suite aux orages de ces derniers jours. Nous apercevons des cormorans qui semblent s’éloigner de plus en plus de leur milieu naturel. Nous traversons plusieurs jolis villages comme La Poissonnière, puis Savennières où nous entrevoyons quelques parcelles de ce vignoble réputé. Nous passons au pied de la Pierre Bécherelle, un curieux spot d’escalade, puis atteignons La Pointe où nous assistons au mariage des eaux de la Maine et de la Loire.
La Pierre Bécherelle |
Confluence de la Maine avec la Loire |
François me guide ensuite jusqu’à Angers sur une belle voie verte longeant la Maine. Nous abordons par l’est le Lac de Maine, du côté où se situe une réserve ornithologique. Nous nous arrêtons près d’un vieux monsieur, ornithologue équipé d’un télescope en observation d’une héronnière. Il nous montre de jeunes hérons cendrés et garde- bœufs indiscernables à l’oeil nu.
Nous atteignons Angers où l’arrivée d’une course à pied fait grand bruit. Nous entendons au micro la gagnante de la catégorie course nordique déclarer qu’elle a souffert de la chaleur. Il fait effectivement 29o, mais, sur nos vélos, avec le vent généré par notre belle allure, nous n’avons pas chaud. Nous gagnons finalement Beaucouzé par des routes ou voies cyclables que François connaît bien et arrivons à destination à l’heure de l’apéro.
Ma chambre mérite 4 épis et Michèle et François me gâtent : côte de bœuf et bonnes bouteilles à midi. Vers 16h, à peine installés dans les transats dans le gazon, les coups de tonnerre puis la pluie nous obligent à nous réfugier dans les fauteuils du salon. Nous repérons, François et moi, un itinéraire possible pour aller jusqu’à La Flèche demain.
La trace du jour |
Etape 14 - 4 juin 2018 - 88 km
De Beaucouzé à La Flèche
Avec la pluie persistante hier soir, nous dînons à l’intérieur. Michèle et François continuent à me gâter : gambas et noix de saint-jacques à la plancha, taboulé, fromage, salade de fruits, bons vins et un petit cognac pour finir. Après cela, gros dodo !
Ce matin, avec François, nous partons dès 8h car l’étape jusqu’à La Flèche va être longue et des orages sont annoncés pour l’après-midi. Nous évitons de traverser Angers en empruntant de petites routes connues de mon vélo-pilote. Nous traversons Avrillé qui, comme Beaucouzé, est un village qui s’est beaucoup agrandi avec de belles villas occupées par des habitants de la classe moyenne travaillant sur Angers. Par une ancienne voie ferrée aménagée en piste cyclable, nous rejoignons en pente douce le bord de la Maine, au prix à la fin d’un passage par un petit sentier que nous n’étions pas bien sûrs de pouvoir emprunter à vélo.
Nous allons ensuite remonter successivement le dernier tronçon de la Maine, puis une section de la Sarthe et enfin le Loir. Rappel pour les mauvais élèves : le Loir est un affluent de la Sarthe, la réunion de la Sarthe avec la Mayenne donne naissance à la Maine qui se jette finalement dans la Loire !
A la suite des orages d’hier, les pistes ou sentiers longeant ces cours d’eau sont tour à tour détrempés, boueux, glissants, parsemés de flaques. Quelques passages sont très étroits, tout juste de la largeur d’une roue (de vélo). Mes pneus sont lisses (seul défaut notable de mon vélo avec son poids), ceux de François sont plus étroits : nous devons être très attentifs pour éviter la chute. A la suite d’une glissade contrôlée in extremis, François a bien failli se retrouver dans la Sarthe !
Lorsque notre itinéraire s’éloigne des rivières, nous traversons de jolis petits villages (avec pour la plupart leur vieux moulin) et des campagnes toujours verdoyantes (où se côtoient vaches et chevaux, champs de maïs et de blé). Nous verrons aussi plusieurs plantations de pommiers, dont certaines couvertes de protections contre la grêle, et ferons une petite incursion en forêt à la recherche (vaine) de chevreuils ou sangliers.
Le Moulin de la Motte à Corzé |
Compte tenu de l’état de saleté de nos mollets et chaussures (sans parler de nos vélos), nous ne pouvons faire halte pour midi à Durtal que dans un simple restaurant pour ouvriers, lesquels nous semblent d’une propreté de ronds de cuir ! Nous agrémentons notre repas en abusant d’une fillette (demi-bouteille de vin), ce qui nous vaudra un redémarrage un peu poussif.
Pause déjeuner à Durtal |
Le temps, très gris toute la matinée, s’éclaircit progressivement et la température s’élève. C’est sous le soleil que nous arrivons chez mon frère Jean-Pierre, Delphine et leur petit Max (3 ans et 8 mois) qui habitent tout près du zoo de La Flèche. François sera récupéré en voiture un peu plus tard pour être ramené chez lui et l’orage finira par éclater plus tard encore. J’aurai eu le temps de nettoyer au jet d’eau vélo et sacoches et de passer moi-même à la douche.
Au final, encore une belle journée avec beaucoup de variétés et partagée à deux. Je vais maintenant passer 4 jours ici pour profiter de ma famille et me reposer un peu. Il me restera ensuite 2 étapes à vélo, samedi et dimanche, pour rejoindre Tours, ma destination finale.
La trace du jour |
Pause à La Flèche - Du 3 au 8 juin 2018
Le plus important pour moi dans ces 4 jours passés à La Flèche aura été de retrouver Delphine, Jean- Pierre et Max que je ne vois qu’une fois par an. C’est avec beaucoup de plaisir que j’ai joué, lu des livres, fait des collages et de la « patate modelée » avec Max qui est vraiment craquant et avec lequel on peut maintenant bien échanger.
Je me suis aussi reposé après deux semaines de pédalage. Pas la première nuit en raison de causements en soirée puis d’écriture nocturne de mon journal, mais la seconde pendant laquelle j’ai bien dû dormir une dizaine d’heures !
Le temps est resté très gris, avec des averses, pendant les deux premiers jours puis s’est soudain amélioré jeudi après-midi. J’en ai aussitôt profité pour monter sur mon vélo, allégé de ses sacoches, et partir faire une jolie boucle, essentiellement dans les forêts environnantes composées de pins, de châtaigniers et de fougères. Je note que la plupart sont des forêts privées avec de multiples pancartes interdisant la cueillette des champignons et mettant en garde contre les tirs à balles ! Je ferai quand même quelques pas en sous- bois : l’humidité est bien là, mais la chaleur sans doute pas suffisante pour une levée de champignons.
Forêt de pins et châtaigniers |
La Flèche est une ville moyenne bien agréable, sans grands immeubles et avec toutes les commodités. Un beau marché le mercredi matin et quelques jolies ruelles en centre ville. On voit cependant un assez grand nombre de magasins fermés, signe d’un certain essoufflement d’une ville de campagne aspirée par les métropoles voisines, Tours, Angers et surtout Le Mans qui sont reliées à Paris par TGV. A La Flèche, la gare est désaffectée depuis longtemps et les anciennes voies ferrées sont transformées en voies vertes, ce qui, égoïstement, n’est pas pour me déplaire.
Le Loir à La Flèche |
Les alentours sont attractifs avec le zoo, qui a beaucoup de succès, les bords du Loir, un lac artificiel... Ce dernier est bien aménagé avec une belle plage, des jeux pour les enfants, des aires de repos et de pique-nique. Je n’ai pas résisté à l’attrait d’un bain après mon tour à vélo et Max s’en est donné à cœur joie sur toboggan et tyrolienne. Pour mon dernier jour ici, on se fait (sans Max qui mange à la cantine) un petit restaurant sympa. Il fait encore beau et nous pouvons nous installer à l’extérieur. Je commande, comme Jean-Pierre, une andouillette (Delphine préférant une pizza). Cela complète, après le steak haché de cheval acheté au marché mercredi, la liste des plats que je mange rarement à La Réunion.
Après 24 heures d’apparition (cela semble être le maximum que l’on puisse espérer), le soleil nous quitte. Le temps redevient triste, mais la soirée va être égayée par la fête de l’école de Max. Dans une grande salle de spectacle, devant plusieurs centaines de parents, les enfants des deux classes de maternelle vont nous offrir, pendant près d’une heure, une jolie prestation, pleine de rythme et de gaité. Un beau final pour mon séjour.
La trace de ma boucle à vélo du jeudi |
Etape 15 - 9 juin 2018 - 67 km
De La Flèche à Marçon via Château-du-Loir
Le temps est triste ce matin et nous aussi. Les larmes ne sont pas loin au moment des dernières embrassades. « A l’année prochaine ». Mais c’est loin l’année prochaine ! Je pars assez tôt (8h15) car le département de la Sarthe fait partie de ceux qui sont en vigilance orange pour les risques d’orages (pluie et grêle !).
Je rejoins très vite (juste le temps de surprendre en bord de route un lapin au cul blanc) la voie verte que je vais suivre jusqu’à Le Lude et qui emprunte le tracé d’une ancienne voie ferrée. Les premiers kilomètres ne sont pas très agréables : on longe une départementale et le revêtement en goudron est bosselé du fait des racines sous-jacentes. Mais, bien vite, la voie cyclable s’écarte de la route et traverse une zone plaisante où alternent bois et étangs. Et on retrouve les anciennes maisons de garde-barrières, vendues à des particuliers et souvent joliment entretenus avec fleurs et potagers.
En 1h15, j’atteins Le Lude et je me souviens qu’il m’avait fallu toute une journée de marche à pied pour faire le même trajet, en sens inverse, il y a 3 ans lors de « ma grande randonnée ». Je ne revisite pas la ville, ni son château ; je passe devant l’hôtel où j’avais dormi qui est fermé le week-end : je ne pourrai pas saluer la serveuse dont la fille était coiffeuse à La Réunion !
L’itinéraire du Loir à Vélo emprunte ensuite de petites routes peu fréquentées. Dans cette campagne, on trouve des fermes classiques de cultures ou d’élevage, mais aussi de vastes champs plantés de pommiers ou de noyers.
Plantation de noyers |
Vite lassé de la route, j’abandonne pour un temps l’itinéraire fléché pour traverser le Loir et tenter de rejoindre le prochain village, Vaas, par ce qui me semble être sur iPhiGéNie une ancienne trace de voie ferrée. Sur le terrain, celle-ci est bien désaffectée, mais pas (encore ?) réhabilitée en voie verte : c’est un roncier ! Je parviendrai cependant à m’en sortir par d’agréables quoique cahoteux petits chemins à travers des champs parsemés de coquelicots.
Arrivé à Vaas dès 11h, trop tôt pour déjeuner et sous un ciel ayant tendance à s’éclaircir, je décide de m’acheter à la charcuterie de quoi pique-niquer un peu plus loin : une barquette de carottes râpées et un rillon (je coche la case idoine sur ma liste !). Je fais une courte pause au bar-tabac où je résiste à la pression conseillée par les gars du village et me paye, sous leurs regards réprobateurs, un jus d’ananas qui n’a que peu à voir avec celui de notre ananas Victoria de La Réunion. Ayant fumé hier avec Jean- Pierre les deux derniers cigares de ma boîte fétiche, je m’achète aussi une boîte de Café Crème vouée au même destin.
Avant de quitter Vaas, je visite clandestinement le Moulin de Rotrou qui est encore en activité. Le meunier, qui me surprend à prendre des photos, se montre compréhensif lorsque je lui parle de mon périple. Il m’explique que la roue du moulin tourne en permanence, la plupart du temps pour fournir de l’électricité, occasionnellement pour fabriquer un peu de farine pour les gens du village ou pour les touristes.
Le tronçon suivant va être le plus plaisant de la journée. Je longe d’abord au plus près le Loir sur une section délicieusement sauvage. Lorsque je m’en éloigne, ce sont plusieurs vastes haras qui occupent la campagne. Certains chevaux sont magnifiques. L’un d’eux s’approche de moi, pour la photo sans doute ! Sa récompense sera quelques feuilles de panais sauvage cueillies pour lui avec précaution dans le fossé au milieu des orties.
Et puis on trouve, dans toute cette partie de la vallée du Loir, de très nombreux plans d’eau artificiels créés par des exploitations de carrières de sable et de graviers. Certains, entourés de barbelés, ne sont pas accessibles, mais d’autres sont aménagés en zones de pique- nique et de pèche, tel celui de la Remangerie dont le nom est une invitation à faire ma pause- déjeuner.
Plan d'eau de la Remangerie |
Je ne m’attarde pas car la température monte et le ciel s’assombrit : ça sent l’orage. Je file jusqu’à Château du Loir et m’installe au premier coup de tonnerre dans un restaurant-bar. J’y attendrai sagement l’orage pendant plus d’une heure en commençant à écrire cet article et en consommant successivement un café, un Perrier et une pression. Une grosse averse finira par arriver et arrosera copieusement mon vélo resté seul à l’extérieur pendant une vingtaine de minutes.
Il ne me reste plus ensuite qu’une douzaine de kilomètres à parcourir. Je file à nouveau le plus vite possible car ça recommence à gronder sérieusement. J’atteins finalement ma chambre d’hôte de ce soir aux premières gouttes de pluie, parfaitement sec ! Et pendant ma douche, ma lessive et la fin de l’écriture de cet article, l’orage continue à rôder et la pluie à tomber.
La trace du jour |
Etape 16 - 10 juin 2018 - 76 km
De Marçon à Vouvray
Ma chambre d’hôte d’hier était tenue par un couple d’homosexuels anglais, Marc le gros et Rushton le petit, ex Londoniens installés ici depuis seulement un an. Ils ont été aux petits soins pour moi, Marc en cuisine et Rushton au service. Repas (très) bon et (trop) copieux. Cependant aucun des deux ne mange avec moi et les échanges restent limités. Of course, ils ne connaissent pas La Réunion. Je parviens à leur en expliquer, moitié en français moitié en anglais, la situation géographique et administrative. Durant le repas, la pluie cesse, le ciel se dégage et le soleil réapparaît sur la vallée du Loir.
Mais ce matin, au petit-déjeuner, la vallée est noyée dans la brume et le ciel tout gris. Sachant que ces conditions sont favorables à l’observation des animaux, je ne tarde pas à démarrer et, en effet, je vais surprendre en peu de temps plusieurs lapins, trois beaux faisans et un lièvre tellement haut sur pattes que je crois voir un kangourou ! Plaisir fugace car, un quart d’heure après mon départ, la pluie arrive. Il ne s’agit pas d’une averse orageuse, mais de ce crachin tenace déjà rencontré. Et il va persister toute la matinée.
Pour rallier Tours, j’ai conçu un itinéraire permettant de ne pas emprunter les grandes routes, de ne pas trop rallonger la distance et d’éviter les côtes à fort pourcentage. Mission accomplie après bien des hésitations et au prix de quelques compromis.
Je remonte d’abord la vallée de la Dême. Cet affluent du Loir doit être en temps normal une jolie petite rivière, mais aujourd’hui, après les orages de ces derniers jours, elle est sortie de son lit et ses eaux boueuses viennent par endroit affleurer la route. En ce dimanche matin, je ne perçois aucune activité ni dans la campagne, ni dans les villages traversés, Beaumont, Epeigné et Chemillé, tous sur Dême.
La Dême à Beaumont-sur-Dême |
J’abandonne ensuite la Dême et file dans la campagne consacrée à l’élevage bovin et ovin. On peut apercevoir quelques belles bâtisses : corps de fermes, petits châteaux...
Château de la Marchère |
J’avais essayé de mémoriser mon parcours, mais je juge plus prudent de faire quelques vérifications sur ma tablette, ce qui nécessite de se protéger de la pluie, sous un arbre, un abri-bus ou une grange. A 11h, j’arrive enfin dans un village un peu animé, Rouziers de Touraine. Je fais un tour rapide, toujours sous la pluie, du petit marché de producteurs, puis entre dans le bar-hôtel des Bœufs dans lequel se produit une chorale. Morceau choisi : « Et je chante ma peine, loin de celle que j’aime ». Je crois percevoir quelques couacs, mais je me trompe sans doute car, miracle, la pluie cesse soudain et le soleil se montre.
Ragaillardi, je remonte sur mon vélo ; mon short et mon T-shirt sèchent en quelques kilomètres, j’atteins rapidement la banlieue de Tours et décide de pique-niquer, ce qui n’aurait pas été envisageable une heure plus tôt. Une tartine Roquefort-noix et deux macarons achetés dans la boulangerie de Notre Dame d’Oé feront l’affaire. Et je trouve même une table idéale au bord d’un ruisseau bordé de saules pleureurs.
Mon lieu de pique-nique |
Après cette pause, je rejoins en moins d’une heure la Loire délaissée depuis une semaine, en traversant sur la fin le vignoble de Vouvray.
Le vignoble de Vouvray |
Le ciel est de plus en plus bleu et, contrairement à hier, je ne sens pas venir d’orages dans l’immédiat, même si nous sommes toujours en alerte orange. Je décide donc de faire un tour dans Tours, essentiellement pour repérer un chemin praticable et sûr à vélo vers la gare TGV de Saint Pierre des Corps où je devrai restituer mon vélo demain matin.
La Loire à Tours |
Au retour, je fais une dernière pause dans une guinguette en bord de Loire, très fréquentée en ce dimanche après-midi ensoleillé, afin d’attendre l’heure convenue pour mon arrivée dans ma chambre d’hôte de ce soir. C’est là que je rédige tranquillement l’essentiel de cet article en sirotant ma bière du jour.
Mais tout change très vite. En quelques minutes seulement, le ciel s’obscurcit et le tonnerre gronde. Tous les clients de la guinguette filent vers leurs voitures. C’est un peu la panique chez les piétons et les cyclistes. Je m’active aussi et j’aurai juste le temps d’atteindre mon hébergement avant les premières gouttes.
La trace du jour |
Dernier jour - 11 juin 2018 - 13 km à vélo
De Vouvray à Tours
La pluie s’est un peu calmée hier en fin de soirée, mais j’ai été bien aise de ne pas ressortir. Ma logeuse, Cathy, ne fait plus table d’hôte en ce moment car son mari est au plus mal (il a attrapé un staphylocoque doré lors d’une opération du genou à l’hôpital), mais elle me sert en chambre un verre de Vouvray et une ardoise gourmande sur laquelle il y a tout ce qu’il faut pour nourrir un cycliste.
Je suis réveillé ce matin dès 6h par le tonnerre et la pluie. Au petit- déjeuner, Cathy me certifie qu’il est possible de rallier la gare TGV de Saint Pierre des Corps en empruntant le pont routier sur la Loire en amont de Vouvray, ce qui sera nettement plus court que mon itinéraire repéré hier. Avec la pluie qui persiste, je décide de suivre son conseil.
Je vais vivre une vingtaine de minutes dantesques ! La pluie s’intensifie, je roule la tête baissée, essaie de voir la route entre mes lunettes et ma capuche. Je traverse des coulées de boue et des zones inondées. Sur le pont, la bande cyclable est étroite : les voitures et les camions me frôlent et m’éclaboussent.
Heureusement, arrivé en rive gauche, la pluie cesse et je rejoins la voie verte de la Loire à Vélo qui me mène en sécurité jusqu’à la gare. Mon jeune récupérateur de vélo est à l’heure et bien sympathique, mais je suis déçu de ne pas retrouver la livreuse d’Angoulême ! La gare et le tunnel d’accès aux quais sont inondés : nous devons traverser les voies encadrés par des agents de la SNCF !
La mini trace du jour |
La trace de l'ensemble du périple |
Grâce à une pièce de 20 centimes, je m’enferme dans les toilettes du quai pour me changer et enfiler ma tenue de ville, précieusement conservée depuis trois semaines et pas trop froissée. Mon TGV est à l’heure et me conduit sans arrêt à Paris en tout juste une heure. Cette vitesse m’impressionne ! Je me demande combien de jours il m’aurait fallu à vélo !
A Paris, je retrouve comme convenu deux amies parisiennes, Betty et Guénola, au Mezzé de Beyrouth, un restaurant proche de la Gare Montparnasse. Nous y passons un bon (dans les deux sens : agréable et assez long) moment en échangeant souvenirs et nouvelles et en appréciant la cuisine et le vin libanais. Vers 15h, nous constatons que nous sommes les derniers clients et comprenons qu’il est temps de quitter le lieu. Sous une pluie fine, nous nous rendons jusqu’à la terrasse (abritée !) d’un bar voisin pour prendre un dernier café. Embrassades et selfies à trois avant de nous quitter.
Un bus, encore direct et rapide, me conduit ensuite à Orly où me voici, prêt à embarquer pour 11h de vol vers La Réunion. Je n’envisage même pas de faire ce trajet en vélo !
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