Entre Loire et Manche à vélo
Le projet - 3 septembre 2019
Le projet - 3 septembre 2019
Pour la cinquième année consécutive, Marie-Claude a bien voulu m’accorder un congé matrimonial que je vais à nouveau utiliser pour me lancer dans un périple à vélo de deux semaines.
Le projet est de relier Nantes à La Flèche, mais évidemment pas en ligne droite ! J’ai concocté un parcours très varié consistant à m’échauffer quelques jours en terrain quasiment plat le long du canal de Nantes à Brest, à emprunter peu avant Pontivy la sinueuse rigole d’Hilvern, à poursuivre vers le nord pour atteindre la Manche en baie algueuse de Saint-Brieuc, à longer la côte nord de la Bretagne de caps en pointes jusqu’au Mont Saint-Michel, à continuer vers l’est pour une petite incursion en Normandie, à redescendre vers Laval par la vallée de la Mayenne, et finalement à obliquer vers la Sarthe.
La trace du parcours prévu de Nantes à La Flèche |
A le décrire aujourd’hui, ce projet, préparé depuis plusieurs mois, me semble quelque peu ambitieux. J’ai quelques craintes concernant les risques de pluies et de vents, le profil vallonné de plusieurs tronçons, et ma condition physique qui n’est pas au top depuis quelques semaines.
Mais il est aussi bien séduisant. J’ai hâte de pédaler sur les chemins de halage, à travers les campagnes et en bord de mer, de me régaler de crêpes et de cidre, de fruits de mer et de vin blanc, de faire des rencontres prévues ou inopinées... Alors plus question de tergiverser : l’aventure commence demain.
Etape 1 - 4 septembre 2019 - 38 km
De Nantes à l'Ecluse de la Tindière
Ouf ! Tout a bien fonctionné dans l’enchaînement avion-bus-train-vélo, mais ce fut assez éprouvant.
J’ai réussi à un peu dormir au début du voyage en avion, mais sans doute dans une mauvaise position cervicale. Résultat : un torticolis qui évoluera en mal de tête au fil de la journée. Je débarque à Orly dans le nouveau terminal 3 : le contrôle des passeports est automatisé, mais tout est encore en chantier et il faut longuement marcher à l’extérieur pour atteindre les arrêts de bus. Il est 6h45 et il fait encore frais.
Je suis étrangement seul au départ de la navette qui relie l’aéroport à la gare TGV de Massy, mais ladite navette fait aussi bus scolaire et nous ferons de nombreux arrêts pour prendre, puis déposer plus loin, des grappes de collégiens. Le chauffeur dit bonjour à chacun et les jeunes lui répondent un à un : un travail sur la civilité a visiblement été mené.
J’arrive très en avance à la gare et tente naïvement de modifier mon billet pour prendre le TGV partant pour Nantes une heure avant celui que j’avais réservé. Après une longue queue au guichet unique, j’apprends que cette modification est tout à fait possible... pour la modique somme de 67 €, soit plus de trois fois le prix payé pour mon billet initial ! Évidemment je décline l’offre et m’interroge sur les pratiques tarifaires de la SNCF, ce qui a pour effet d’augmenter mon mal de tête ! Un Doliprane et un café en viendront heureusement à bout.
Le voyage en TGV est paisible entre moments de douce somnolence et de béate admiration des paysages. J’apprécie à nouveau le confort des sièges par rapport à ceux de l’avion. Le parcours s’effectue sous le soleil jusqu’à la vallée de la Loire plongée dans la grisaille.
Je prends possession de mon vélo sur le parvis de la gare de Nantes sous une petite pluie fine. La machine et ses équipements sont très semblables à ceux de l’an dernier, la prise en main est rapide et je me lance au plus vite pour éviter un refroidissement.
L'Erdre à Nantes |
Le parcours à vélo de l’après-midi vise à relier Nantes au canal de Nantes à Brest. Il sera un peu plus long que prévu car je fais quelques détours pour me rapprocher des bords de l’Erdre et pour aller jusqu’au point de départ du canal. Certains tronçons au bord de la rivière, sous de magnifiques chênes, ou dans la campagne sont agréables. D’autres pour s’extraire de la ville ou le long de la route départementale bruyante le sont nettement moins !
Le point de départ du Canal de Nantes à Brest |
Je suis ce soir à l’écluse de la Tindière, numéro 3 du canal, où je me suis déjà payé une gaufre au caramel et beurre salé et une bière blonde artisanale. Et le soleil fait en cette fin d’après-midi une timide apparition.
Le réconfort |
L’aventure peut continuer...
La trace du jour |
De l'Ecluse de la Tindière à Guenrouët
Première belle soirée hier. La gérante du gîte, Delphine, n’assure qu’un service minimal, mais bien suffisant. A 18 heures, elle rentre chez elle en laissant les clés à ses hôtes : les plateaux-repas sont prêts et la gestion est libre. Je dîne avecun couple de Lorientais désorientés : ils sont, poussés par leurs enfants, en pleine prise de conscience des enjeux écologiques et ont décidé de ne plus partir en vacances en avion pour de lointaines destinations. Les voilà donc engagés à pédaler, tout près de chez eux, pour parcourir l’intégralité du canal de Nantes à Brest en traversant par l’intérieur les 5 départements bretons. Nous conversons longuement en accompagnant notre repas d’une bouteille d’Ancenis blanc librement débouchée.
Bonne nuit réparatrice, mais au réveil dos et cou se manifestent à nouveau : une révision totale de ma colonne vertébrale serait à envisager !
Départ tardif vers 9h30 après un long petit-déjeuner pendant lequel la conversation aborde de multiples sujets. J’aurai d’ailleurs bien d’autres moments d’échanges aujourd’hui tout au long de mon parcours avec des éclusiers et des itinérants à vélo nombreux sur la voie verte le long du canal.
Le temps est toujours aussi frais (j’ai roulé toute la journée avec ma polaire) et gris (pas terrible pour les photos). Pas de véritable pluie, mais quelques gouttes se sont sporadiquement manifestées par de petits ronds sur l’eau du canal et de minuscules piqûres sur les bras du cycliste.
Sinonsa une journée tranquille entièrement sur le chemin de halage d’écluses en écluses. Je retrouve avec plaisir les maisons éclusières, la plupart restaurées et fleuries, quelques unes avec leur potager.
Ecluse bien fleurie |
Les berges du canal sont le plus souvent boisées avec une grande variété d’espèces. A part quelques sapins Douglas, ce sont surtout des feuillus : chênes, frênes, acacias, saules, aulnes... Ici un bois de bouleaux, plus loin une rangée de peupliers. Et puis, isolés à proximité d’une écluse, un platane ou un tilleul classé remarquable pour sa taille impressionnante et son allure majestueuse.
Un arbre remarquable |
Sans trop m’en rendre compte si ce n’est à l’inversion du sens des écluses, j’ai franchi un premier bief de partage : d’un côté les eaux du canal coulent vers l’Erdre, de l’autre vers l’Isac. Et il faut être attentif pour repérer la modeste rigole qui alimente en eau cette partie haute du canal. Modeste par sa largeur seulement car sa longueur dépasse les 20 kilomètres pour amener l’eau depuis depuis le grand réservoir du Vioreau créé par un barrage situé suffisamment haut sur l’Erdre. Il paraît que longer cette rigole à pied constitue une belle randonnée avec franchissements de plusieurs ouvrages d’art.
Après Blain, où je me suis restauré à midi de mes premières galette et crêpe, le canal et l’Isac se joignent et forment une voie d’eau mi canal mi rivière du plus bel effet avec une berge entretenue du côté du chemin de halage et une berge sauvage en face.
Je suis ce soir bien installé dans une confortable chambre d’hôte à Guenrouet. Pas de table d’hôte malheureusement : je vais me rendre à pied au village pour dîner au restaurant.
Et demain, l’aventure peut continuer.
La tace du jour |
Etape 3 - 6 septembre 2019 - 56 km
De Guenrouet à Saint-Laurent-sur-Oust
Dîner en solo hier dans le seul restaurant du village : repas de poissons arrosé de Muscadet, correct sans plus. Au dodo tôt pour un long sommeil sans faille et avec moins de douleurs au réveil. Ce matin, petit-déjeuner en compagnie d’un couple faisant un long périple à vélo mais en trichant (en VAE). Excellentes confitures maison de framboises et de rhubarbe.
La journée s’annonce ensoleillée, mais il fait encore très frais à 9 heures (7 degrés) et, si ma polaire sans manches me tient un peu chaud au corps, les membres inférieurs et supérieurs grelottent carrément, d’autant que la voie verte reste située à l’ombre sur les premiers kilomètres.
L'Isac au petit matin frais |
La végétation est toujours aussi belle, encore magnifiée par les rayons du soleil. L’Isac prend ses aises en s’élargissant, ce qui ouvre des perspectives vers la campagne où vaches et chevaux semblent statufiés par la froideur. Je réveille successivement plusieurs hérons qui, blottis dans les hautes herbes entre halage et canal, prennent leur envol à mon approche pour aller se poser sur l’autre rive.
Je pédale à bonne allure pour me réchauffer et atteint rapidement Redon après avoir parcouru la partie la plus basse du canal (4 mètres d’altitude). Je néglige la ville, jette un coup d’œil au port fluvial et fait une pause-café dans un petit bistrot où des habitués discutent fort entre eux et avec la patronne. Je traverse la Vilaine qui ne l’est pas tant que ça et dans laquelle se jettent un peu en aval de la ville les eaux de l’Isac.
Après Redon, le canal va maintenant remonter la vallée de l’Oust, autre affluent de la Vilaine. Il faut dire que le réseau hydrologique de la Bretagne est complexe, dense et ramifié, ce qui a d’ailleurs permis la conception et la réalisation du canal en le faisant passer d’une vallée à l’autre. On atteint rapidement l’Ile aux Pies, joli site escarpé où je n’ai vu aucune pie mais toute une classe d’élèves de sixième en intégration s’initiant à l’escalade sur des parois rocheuses. Heureux collégiens !
Initiation à l'escalade |
Après le Pont d’Oust, où un restaurant me propose des moules-frites auxquelles je ne saurais résister, la vallée de l’Oust gagne en largeur et le caractère sauvage des bords du canal se perd avec l’apparition de champs de maïs et plus heureusement de vergers de pommiers. Cela me donne l’idée d’une nouvelle pause à Saint- Martin-sur-Oust pour absorber une bolée de cidre de la distillerie locale en attendant mes amis Michèle et Jean-François, Nicole et Thomas qui devaient venir à ma rencontre. Je ne les retrouverai finalement qu’un peu plus loin à quelques kilomètres seulement de notre gîte de ce soir, une magnifique bâtisse pouvant accueillir de grands groupes mais où nous ne serons accompagnés que par deux espagnols.
Notre gîte du soir |
Arrivés assez tôt, nous trouvons l’énergie pour faire une petite randonnée pédestre en échangeant quelques nouvelles et en attendant l’ouverture du bar du village pour trinquer à nos retrouvailles. La soirée se poursuit agréablement autour d’un bon dîner livré un peu tardivement par le gérant et accompagné de deux bouteilles de vin.
Au final une très belle journée et l’aventure peut continuer.
La trace du jour |
Etape 4 - 7 septembre 2019 - 64 km
De Saint-Laurent-sur-Oust à Rohan
Ce matin, petit-déjeuner plutôt basique en gestion libre dans la très grande salle à manger du gîte où nous ne sommes que nous cinq, les deux espagnols étant partis avant même notre réveil.
Temps agréable toute la journée, un peu moins frais le matin que les jours précédents, avec alternance de passages nuageux et de belles éclaircies. Parcours facile, intégralement sur la voie verte longeant le canal en poursuivant la remontée de la vallée de l’Oust. Je ne manque pas de moucater mes quatre compagnons pour leur assistance électrique que je réprouve par principe et qui me semble parfaitement inutile en terrain quasiment plat.
Mes compagnons assistés |
Nous gagnons rapidement Malestroit dont nous admirons les maisons anciennes du centre et l’écluse magnifiquement fleurie. Je jette aussi un regard d’envie sur les fruits de mer de l’étalage du poissonnier sur le petit marché du samedi matin.
A l'écluse de Malestroit |
Nous poursuivons ensuite vers Josselin en faisant de nombreux arrêts. Je menace de pratiquer la confiscation des cigarettes de Nicole et du téléphone de Michèle ! Mais je ne me prive pas non plus de mes pauses habituelles pour prendre des photos ou engager des discussions. Un pêcheur m’annonce qu’il a pris trois beaux brochets dans la matinée. Une éclusière m’apprend que les grands panneaux carrés affichant un 8 après chaque écluse signifient que la vitesse est limitée à 8 km/h pour les bateaux afin de ne pas endommager les berges du canal. Nous allons quand même un peu plus vite à vélo !
Nous assistons à l’intégralité du passage d’une pénichette dans une écluse et constatons que le travail de l’éclusier est assez physique avec le maniement des manivelles. Arrivés vers 13 heures à Josselin, nous nous apercevons que tous les restaurants et crêperies de la vieille ville sont complets. Nous trouvons heureusement une dernière table libre dans un restaurant gastronomique où nous déjeunons superbement et où je me laisse inviter (merci à mes quatre amis).
Josselin et son château |
Nous repartons bien repus sur un tronçon qui devient sur la fin moins plaisant avec de longues parties rectilignes du canal et des écluses peu entretenues et sans fleurs. Et pour finir, à quelques kilomètres de l’arrivée, Thomas voit la batterie de son VAE se décharger brutalement : il devra terminer péniblement en pédalant sans assistance.
Nous sommes un peu déçus aussi par la visite de Rohan qui nous semble une ville sans cachet particulier à l’inverse de Malestroit et de Josselin. Nous y faisons néanmoins une pause pour y boire un coup avant de rejoindre nos chambres et table d’hôte du soir. La structure comporte un petit parc où Michèle et Thomas nous font une démonstration de trampoline et où Jean-François nous initie au jeu de Mölkky qui demande à la fois adresse et stratégie.
Et demain, l’aventure peut continuer.
La trace du jour |
Etape 5 - 8 septembre 2019 - 63 km
De Rohan à Bizoin
Dîner simple mais bon hier soir avec les propriétaires, Valérie et Pascal, qui se joignent à nous autour de la table familiale. Ils sont sympathiques, mais causent beaucoup, surtout Valérie, et nous sommes en fin de soirée plus soûlés par leurs propos que par le cidre qui accompagne le repas. Mais Valérie saura regagner notre bienveillance en nous offrant de délicieuses petites crêpes ce matin au petit-déjeuner.
Il fait à nouveau frais au départ à 8h45, pas plus de 8 degrés sans doute. Nous pédalons à bonne allure pour nous réchauffer un peu. Nous attaquons une partie du canal où les écluses se rapprochent de plus en plus, avec finalement des biefs de moins de 100 mètres de long. Cet enchaînement procure une belle perspective sous le soleil bien généreux du matin, mais ça monte et j’ai du mal à suivre le rythme des assistés électriques. On ne compte plus ici qu’une maison éclusière pour plusieurs écluses et la plupart sont à l’abandon. Les plaisanciers sur ce tronçon doivent effectuer eux-mêmes l’éclusage et le trafic doit être aujourd’hui très faible, contrairement à la portion précédente allant de Redon à Rohan.
Le long du canal |
Nous atteignons le second bief de partage du canal, celui d’Hilvern dans lequel aboutit la fameuse rigole du même nom qui servait historiquement à alimenter en eau le canal après un long parcours sinueux de plus de 60 kilomètres depuis le Lac de Bosméléac. Cette rigole n’est malheureusement plus opérationnelle, remplacée dans son rôle alimentaire par un système de pompage depuis le Blavet. Mais, pour la suivre à pied, à cheval ou à vélo, a été aménagée une voie verte que je vais emprunter aujourd’hui et demain matin.
La voie verte et la rigole |
Après un trop court moment sur cette belle voie, c’est la séparation : mes quatre accompagnateurs de ces deux derniers jours m’abandonnent pour regagner leur voiture garée à Josselin. Merci à eux pour ce bon moment de partage.
Et me voilà à nouveau seul à pédaler. Je fais bien vite une double pause au village de Saint-Gonnery, au bar pour un café, à l’épicerie pour l’achat d’un pique-nique. Je roule ensuite longuement en suivant cette extraordinaire rigole. C’est très agréable, à l’ombre de rangées de beaux arbres, avec des trouées sur la campagne où alternent champs et prés. Les colzas et les maïs sont encore sur pieds, mais les blés sont bien sûr coupés et certaines parcelles labourées.
Je fais quelques pas, en poussant mon vélo, pour accompagner une promeneuse retraitée. Elle me raconte que, dans sa jeunesse, l’eau coulait bien dans la rigole, que l’on y faisait même de bonnes pêches et que les projets récents de remise en eau ont avorté faute d’argent. Je me dis que, pour l’équivalent des sommes colossales qui vont être dépensées pour la remise en état de Notre Dame,on pourrait engager de multiples travaux de restauration des véritables œuvres du patrimoine.
Faute de trouver une table ou un banc, je fais ma pause pique-nique sur les traverses en bois d’un petit pont enjambant la rigole et doit me contenter de trois rondelles d’andouille, d’une part de fromage et d’une pomme : pas terrible ! Plus loin, je quitte un moment la rigole pour descendre au village de Saint- Caradec afin de boire un café et de téléphoner (il n’y a quasiment aucun réseau SFR en dehors des villages). Il faudra évidemment ensuite remonter pour regagner la voie verte : un avant-goût de ce qui m’attend dans les jours à venir.
J’arrive finalement vers 17 heures à la Ferme de Bizoin où se trouve la chambre d’hôte que j’ai réservée pour ce soir, mais il n’y a personne pour m’accueillir. Je m’installe donc tranquillement à la table du jardin pour écrire cet article : il me manque juste une bonne bière ! Heureusement l’attente ne sera pas trop longue et les propriétaires m’offriront une bolée de cidre à leur retour de leur virée dominicale.
La météo n’est pas très optimiste pour demain. On verra bien, mais l’aventure peut continuer.
La trace du jour |
Etape 6 - 9 septembre 2019 - 56 km
De Bizoin à Hillion
Repas copieux hier soir à la ferme en compagnie du propriétaire et d’un couple venu du Cher qui a passé trois nuits ici en rayonnant dans la région en voiture. Pour terminer, un petit verre de Calva et une âpre négociation concernant l’heure du petit-déjeuner : je n’obtiens pas plus tôt que 8h15.
Ce matin, le temps est au gris et des « averses éparses » sont annoncées. Je préfère m’équiper dès le départ de ma veste de pluie qui, de toute façon, me tient plus chaud que mon habituelle polaire sans manches. J’en termine d’abord avec la rigole d’Hilvern, moins riante qu’hier sans soleil, et atteint rapidement son point de départ, le Lac de Bosméléac, auquel je vais jeter un œil depuis le terrain de camping : un belle étendue d’eau.
Le Lac de Bosméléac sous un ciel gris |
Et maintenant, on ne rigole plus ! Finies les voies vertes et plates ! Je vais emprunter une véloroute (la V8 pour les initiés) pour poursuivre ma remontée vers la Manche. Rien à redire sur la signalisation qui est très bonne avec un panneau à chaque intersection où une hésitation serait possible, ni sur la conception qui évite toute route à grande circulation.
Mais la Bretagne n’est pas un plat pays ! Par ici, en tout cas, c’est vallonné, mais gentiment vallonné pour être honnête. Les petites routes de campagne que j’emprunte ne peuvent donc faire autrement que d’épouser le relief. Et, sur ce type de parcours, les descentes sont toujours nettement plus courtes (en durée) que les montées ! Mais une seule de ces dernières m’obligera à me transformer en danseuse ! Cela dit, le parcours est plaisant à travers prés, champs et bois. Aux sommets de quelques côtes, il y a même de beaux panoramas sur la campagne et les villages, mais ils seraient plus photogéniques avec du soleil.
Paysage typique du jour |
Je m’arrête pour entamer quelques bavardages. Un groupe de trois randonneurs (deux femmes et un homme) me demande moults détails sur mon périple. Plus loin un monsieur soignant ses fleurs m’assure que la V8 est parcourue par un assez grand nombre de cyclistes en été : il est en cours d’aménagement de chambres d’hôte. Pour ma part, je n’ai plus rencontré aucun cycliste itinérant depuis la voie verte du canal de Nantes à Brest.
Le temps s’assombrit de plus en plus et je décide de quitter la véloroute pour descendre vers le village de Quessoy où je m’engouffre à 12h30, juste avant l’averse, dans un petit restaurant ouvrier. Toutes les tables sont occupées par des habitués, uniquement des hommes, mais on me fait une place quand même et le menu du jour me donnera toute satisfaction pour une somme modique, quart de vin et café compris.
Vers 14 heures, il pleut toujours, mais je décide de repartir après avoir tenté de mémoriser l’itinéraire à suivre pour rejoindre plus loin la véloroute, car je ne voulais pas devoir sortir ma tablette sous la pluie. S’en suivra la partie la moins agréable de la journée avec encore quelques côtes et une vision brouillée par les gouttes sur mes lunettes. Mission cependant réussie, ce qui montre que mon cerveau n’est pas plus ramolli que mes cuisses (mais sans doute pas moins).
La pluie cesse heureusement assez vite et la V8 retrouvée me conduit facilement en banlieue de Saint- Brieuc à Yffiniac où je fais une nouvelle incartade vers le centre ville. J’achète au bar-tabac mon paquet de cigarillos annuel et me pause un peu pour siroter une pression et écrire le début de cet article.
Je redémarre en empruntant une nouvelle véloroute, dénommée « Manche à Vélo », que je vais suivre ces prochains jours, avec sans doute quelques écarts. Une pluie fine reprend, mais j’atteins mon hôtel-restaurant du soir à Hillion avant qu’elle ne s’intensifie. J’y retrouve comme convenu mes amis Maryvonne et Jean-Claude venus en voiture de Paimpol pour passer la soirée avec moi.
Nous échangeons quelques nouvelles en attendant que la pluie cesse, puis nous allons en voiture jeter un œil d’un côté sur l’anse de Morieux et de l’autre sur l’anse d’Yffiniac. Le temps encore très couvert ne permet pas d’y voir grand chose sauf les fameuses algues vertes qui, en pourrissant, deviennent blanches et dégagent un gaz toxique.
Les fameuses algues vertes |
La soirée se termine au restaurant où Maryvonne et Jean-Claude tiennent à m’inviter. Merci à eux pour ce bon dîner et pour cet agréable moment ensemble.
Pour moi, l’aventure peut continuer.
La trace du jour |
Etape 7 - 10 septembre 2019 - 46 km
De Hillion à Sables-d'Or-les-Pains
Petit-déjeuner dès 7h30 ce matin en compagnie d’un groupe de randonneurs parcourant une partie du GR 34, le fameux Sentier des Douaniers, qui suit tout le pourtour des côtes bretonnes. Ils sont ravis, sauf de leur journée d’hier sous la pluie.
Au départ, le temps est encore à l’humidité et des nappes de brouillard planent sur la campagne, mais le soleil va se faire de plus en plus présent et on peut au final parler d’une belle journée.
La véloroute doit d’abord s’éloigner du littoral pour franchir la vallée du Gouessant sur le Viaduc des Ponts- Neufs, un ouvrage d’art hérité du « Petit Train des Côtes du Nord » et réhabilité depuis 2014 pour permettre le passage en sécurité des randonneurs à pied ou à vélo. La couleur de ce fleuve côtier ne laisse pas de doute sur la quantité de nitrates qu’il draine vers la baie. Une première côte permet ensuite d’atteindre le joli village fleuri de Morieux, puis l’itinéraire se poursuit à travers prés et champs jusqu’à rejoindre la mer au niveau de la jolie petite plage de Port Morvan. Contrairement au Sentier des Douaniers, la véloroute ne peut suivre en permanence la côte. Il faut donc à nouveau remonter vers une partie de campagne avant de redescendre vers le port de plaisance de Dahouët.
Le port de plaisance de Dahouët |
Je quitte l’itinéraire fléché pour longer la belle plage du Val André et poursuis jusqu’à la Pointe de Pléneuf pour observer de plus près l’Ilot Verdelet classé en réserve ornithologique. Je pousse péniblement mon vélo pour grimper sur le falaise où trônent de grandes demeures bourgeoises bénéficiant d’une vue imprenable que j’arrive néanmoins à saisir.
La plage du Val André |
Au centre ville, je découvre que c’est jour de marché. Je parcours les allées à vélo, hésite à m’acheter de quoi pique-niquer, mais préfère finalement me pauser dans un petit restaurant où, comme hier, je déjeune très correctement pour pas cher du tout.
Après un nouveau passage par l’intérieur des terres, je rallie la Plage de Caroual. C’est marée basse, mais je me lance quand même pieds nus sur le sable pour aller tâter l’eau. Je la trouve moins froide que ce que j’imaginais et, si maillot et serviette n’étaient pas restés au loin dans une sacoche du vélo, je me serais sans doute baigné. Il y a beaucoup d’oiseaux sur cette plage, cormorans et goélands, mais très peu de monde et aucun baigneur. Une dame rentre très satisfaite de sa pêche aux coques qui selon elle sont de belle taille cette année.
La plage de Caroual et vue sur Erquy |
Je m’éloigne encore une fois de la mer, en montant bien sûr : ça tire un peu dans les cuisses qui se sont refroidies avec mon long arrêt. Je me contente d’observer d’en haut le village d’Erquy dont l’uniformité (maisons toutes aux murs blancs et couvertes d’ardoises) fait la beauté. Je me dirige vers le Cap qu’on ne peut atteindre tout à fait à vélo. Je m’y rends à pied et c’est très beau, aussi bien la lande fleurie que les points de vue vers plusieurs petites criques.
Vers le Cap d'Erquy |
Et je retrouve mon vélo pour rallier à travers lande et bois la véloroute qui emprunte sur quelques kilomètres un tronçon de l’ancienne voie du petit train déjà cité.
Je dors ce soir dans un petit hôtel vétuste de Sables-d’Or-les-Pins après avoir dîné au restaurant voisin d’un plateau de coquillages et d’une entrecôte pour rester dans l’alternance mer et terre de ma belle journée.
Et demain, l’aventure peut continuer.
La trace du jour |
De Sables-d'Or-les-Pins à Poubalay
Je quitte ce matin sans regret mon hôtel où un petit-déjeuner basique coûte presqu’aussi cher que les repas complets de mes restaurants du midi. Le ciel est à nouveau plombé, rien à voir avec le grand bleu d’hier après-midi. Je tente sans succès un passage au pied de la falaise, une zone de carrières bien barricadée m’obligeant à faire demi- tour.
Je décide alors d’emprunter sur plusieurs kilomètres la départementale très peu fréquentée à cette heure. Je me dirige vers le Cap Fréhel avec de beaux points de vues sur les pointes et anses successives.
Plus loin, une piste cyclable longe la route, côté mer heureusement, juste au dessus du GR. La lande est magnifique. Tout serait parfait avec plus de soleil et moins de camping-cars.
Vers le Cap Fréhel dans la grisaille |
Arrivé au pied du phare, j’hésite à poursuivre à pied jusqu’au Cap, mais les premières gouttes de pluie m’en dissuadent. Je me souviens que le temps déjà n’était pas terrible lorsque, il y a quelques années, nous avions, avec Marie-Claude, randonné sur le GR entre le Cap et la Pointe de la Latte. Je me rends jusqu’à l’entrée du Fort de la Latte, mais là encore je renonce à aller jusqu’à la Pointe. Je poursuis et atteins le Port à La Duc par une portion de route en corniche (aucuns travaux de nouvelle route !). Le crachin persiste et le bar à huîtres est fermé. Tout se ligue contre moi !
J’abandonne l’idée de faire un détour par Saint-Cast-le-Guido et file vers le village de Matignon. Il y a bien sûr un Hôtel de Matignon (dont le caractère modeste me surprend !) et c’est (encore !) jour de marché. En cette fin de matinée, les commerçants hèlent les clients et bradent leurs tomates dont on trouve maintenant de nombreuses variétés.
Au marché de Matignon |
La pluie ayant cessé, je roule encore un peu, à nouveau dans la campagne vallonnée. Dans les descentes, je m’amuse à adopter une position aérodynamique, le menton posé sur ma sacoche de guidon. Les montées sont plus propices à observations. Je repère ainsi un noisetier avec des involucres vides. J’en déduis que les noisettes n’ont pas été cueillies et effectivement je ferai à terre une belle récolte de noisettes dont je me régale immédiatement. C’est la variété de forme oblongue bien meilleure que les grosses rondes que l’on trouve dans le commerce. Et, un peu plus loin, je tombe sur une sympathique petite crêperie où une galette complète et une crêpe aux pommes finiront de me réconforter.
Ragaillardi, je décide d’aller explorer Saint-Jacut-de-la-Mer, la presqu’île aux 11 plages. Je ne les verrai pas toutes, mais apprécierai surtout le village et le site terminal de la Pointe du Chevet d’où l’on peut voir de nombreux petits îlots. A marée basse, on peut les atteindre à pied grâce à des bancs de sable, mais il ne faut pas trop s’attarder si l’on ne veut pas faire appel à l’hélicoptère.
Vers la Pointe du Chevet |
Au retour, quelques nouvelles gouttes me contraignent contre mon gré à une pause-pression dans un bar du village où j’écris l’essentiel de cet article. Je file ensuite en zigzaguant vers mon hôtel-restaurant de ce soir qui va se révéler une bien meilleure pioche que celui d’hier. Le dîner, orienté poisson et vin blanc, et terminé par un Kouing amann dont la légèreté est heureusement assurée par une boule de glace vanille, est un régal. Et le couple de la table voisine, avec lequel j’ai habilement engagé la conversation, tiendra à me payer le verre de Calva.
Ayant réussi à remonter les deux étages conduisant à ma chambre, l’aventure peut continuer.
La trace du jour |
Etape 9 - 12septembre 2019 - 58 km
De Ploubalay à Les Nielles
Avantage des hôtels : le petit- déjeuner peut y être servi tôt. Dès 8h15, je suis sur mon vélo, équipé en mode pluie, puisque, décidément, je me trouve dans le seul petit morceau de France où il ne fait pas beau !
J’abandonne totalement l’itinéraire de « La Manche à vélo » qui va chercher loin dans l’intérieur des terres pour franchir la Rance. Voulant éviter aussi d’emprunter la route passant sur le barrage, signalée comme dangereuse pour les cyclistes, j’ai choisi l’option consistant à longer la côte et à utiliser le bus de mer pour passer de Dinard à Saint-Malo.
J’espérais ainsi profiter des plages successives en passant par Lancieux, Saint-Briac et Saint- Lunaire. Elles sont sans doute bien belles, ces plages que je m’applique à aller voir une à une, mais pas vraiment sublimées par le crachin breton ! Je dois m’abriter sous les arbres pour prendre quelques photos qui ne seront pas terribles.
Et puis les voies dédiées aux vélos sont très hétérogènes et difficiles à suivre. On doit passer d’un côté à l’autre de la route en empruntant des tronçons de pistes défoncées, ou en étant canalisé dans d’étroits couloirs, ou encore en montant sur les trottoirs. C’est cette manœuvre qui, au lieudit La Fourberie, en abordant trop en biais une bordure mouillée, conduira à ma chute. Le casque protège heureusement ma tête, mais le côté droit de mon corps trinque : jambe et coude sont éraflés et cuisse et épaule endolories. Rien de bien grave finalement et le vélo se montre encore plus robuste que moi : il n’a rien !
Bien vite remonté en selle, j’arrive à Dinard où, bien sûr, c’est jour de marché. Je pose cette fois mon vélo et pénètre dans la partie couverte sous une belle halle. Je me régale, les yeux seulement, de tous les étals, avec une préférence pour les poissonneries. A l’extérieur, ce sont les stands de rôtisseries et de paellas qui m’attirent, bien plus que ceux de vêtements.
La traversée de l’estuaire de la Rance en bus de mer, affrétée bien sûr par la compagnie Corsaire, ne prend que 20 minutes, mais l’embarcadère n’est pas pratique pour les vélos avec un étroit escalier à négocier. C’est le moment où le ciel commence à se dégager et cela continuera pour finir sous un grand soleil en fin d’après-midi.
A Saint-Malo, je ne fais qu’une petite incursion intra-muros. L’endroit est rempli de touristes et de boutiques à leur intention. J’emprunte la longue et agréable promenade qui longe la mer avec une succession de plages à ma gauche et de belles demeures d’un autre siècle à ma droite.
Sur le front de mer de Saint-Malo |
Je retrouve ensuite la Bretagne légumière où les champs de choux descendent parfois jusqu’aux plages. Mon estomac crie famine, preuve que je suis remis de ma chute, et m’oblige à une pause alimentaire au café de Saint- Coulomb : un simple croque- monsieur et une salade, car j’ai une petite idée en tête pour mon goûter !
Mais avant cela, je pousse jusqu’à la Pointe du Grouin. La lande est moins jolie que celles déjà vues, mais le site est quand même très fréquenté. Je fais le guide pour un groupe de touristes (français) ne comprenant rien aux indications de la table d’orientation qui sont pourtant claires. On voit bien le Mont Saint-Michel, Grandville et la côte ouest du Cotentin, les Îles Chausey, et on devine au loin Jersey et Guernesey.
Et puis je gagne enfin Cancale et son port où je sacrifie à la tradition du plateau d’huîtres ouvertes directement à l’échoppe du producteur et accompagnées du verre de vin blanc acheté au camion-bar.
A Cancale |
Et me voici ce soir dans une belle chambre d’hôte, avec table d’hôte attendue pour clôturer cette journée si disparate. J’ai eu le temps de faire la lessive et de soigner mes petits bobos. L’aventure peut continuer.
La trace du jour |
Etape 10 - 13 septembre 2019 - 59 km
De Les Nielles à Céaux
Repas gastronomique hier soir, tendance poisson, avec les propriétaires et trois couples qui viennent passer plusieurs jours ici chaque année : soirée bien sympathique.
Je déjeune avant les autres ce matin, mais ne commence à rouler qu’à 9h15. Le temps est à nouveau très couvert et le restera toute la journée, mais, progrès notable, il ne pleut pas. La matinée va se scinder en deux temps bien distincts, avec, presqu’en permanence, le Mont Saint-Michel en ligne de mire, dans la grisaille malheureusement.
Je longe d’abord le littoral sur une piste pas toujours en bonne état entre la route et l’arrière-plage. Des panneaux donnent des consignes strictes pour les pêcheurs à pied concernant la taille minimale et le nombre maximal des prises autorisées pour chaque type de coquillage ou de crustacé. La mer ici peut se retirer jusqu’à 6 kilomètres du rivage et les mises en garde sur le risque de se faire piéger par la marée montante sont renouvelées de proche en proche. Je traverse plusieurs zones de conchyliculture et, au Vivier sur Mer, prends le temps de visiter la Maison de la Baie où les informations sont surtout centrées sur les moules de bouchot dont la baie est le premier site français de production.
Après Cherrueix, où je fais une pause café et tente de régler mes problèmes d’hébergements, j’emprunte une voie verte située sur la digue de la Duchesse Anne. Cet ouvrage de 32 kilomètres de long a permis une conquête de la mer par la poldérisation, chose bien expliquée à la Maison des Polders que je visite également, saisi, depuis ma chute, par une inhabituelle envie de culture. Aujourd’hui, de part et d’autre de la digue bien arborée, le plus souvent par deux rangées de peupliers, s’étalent des champs occupés par des céréales mais aussi du maraîchage.
La voie verte bordée de peupliers |
Arrivé au bord du Couesnon, je remonte vers Pontorson et tente de me faire accepter dans un grand restaurant où la carte propose des côtes d’agneau de pré salé. On m’indiquera un temps d’attente extrêmement long, prétexte évident pour m’éconduire en raison de ma tenue manifestement inadéquate. Et je devrai me contenter à nouveau d’un petit restaurant ouvrier, au demeurant très correct.
Après une petite boucle dans la campagne, je rejoins la voie verte longeant le Couesnon pour la descendre maintenant en direction du Mont Saint-Michel. Cette approche est décrite dans les guides comme spectaculaire... quand le Mont est incrusté dans un ciel tout bleu et éclairé par un grand soleil. Rien à voir avec aujourd’hui !
Je néglige au passage tous les parkings, gratuits pour les vélos mais à 14 € pour les voitures (ce qui fait râler les touristes même si la navette est ensuite gratuite), et continue tout droit parmi les piétons puisqu’aucune signalisation claire ne me l’interdit. Je suis ainsi le seul cycliste à atteindre le pied du Mont, mais personne ne protestera. Je ne me lance pas dans la visite, ayant déjà donné par le passé.
Le Mont Saint-Michel |
Et il me reste encore une bonne heure de route pour gagner ma chambre d’hôte de ce soir, ce qui sera fait aux prix de quelques vallonnements à négocier, les seuls de cette journée facile pour le pédalage.
L’aventure peut continuer.
La trace du jour |
Etape 11 - 14 septembre 2019 - 49 km
De Céaux à Mortain Bocage
Très agréable dîner en tête à tête hier soir avec mon hôtesse dont le mari est absent. C’est lui qui fait habituellement la cuisine, mais elle me concocte un repas tout à fait correct, avec en entrée du maquereau fumé aux lentilles, ces dernières ne provenant pas de Cilaos comme elle me l’avouera sans honte bien qu’elle soit allée à La Réunion dans sa jeunesse. Infirmière à la retraite, elle s’ennuie un peu dans ce petit village et voudrait vendre leur structure pour aller s’installer à Saint-Malo.
Beaucoup de changements aujourd’hui. J’ai quitté la Bretagne pour la Normandie, cessé de faire la Manche (et devrai donc trouver un distributeur de billets), et entamé une nouvelle véloroute, la Véloscénie, qui relie Paris au Mont Saint-Michel. Et, le plus appréciable, il fait dès le matin grand soleil.
Je fais d’abord un petit détour pour aller voir de près l’estuaire de la Sélune, mon dernier fleuve côtier. Dans les prés salés paissent des moutons dont je n’aurai pas pu tâter (gustativement) les côtes.
L'estuaire de la Sélune et ses prés salés |
Après un petit café à Pontaubault, j’emprunte une longue voie verte aménagée sur une ancienne voie ferrée et retrouve les caractéristiques de ce type de parcours. Les pentes et les courbes sont toutes et tout en douceur. On traverse les rivières sur des ponts en n’ayant à négocier aucun vallonnement. On apprécie le charme des anciennes petites gares ou maisons de garde-barrière, ici bien restaurées avec leurs coins de mur en briquettes.
Une ancienne gare |
Je file à bonne allure entre les arbres bordant la voie et, au-delà, les prés à vaches. Mais j’ai l’œil pour repérer les noisetiers. Hélas, soit les noisettes ont été cueillies, soit elles sont tombées dans les hautes herbes ou les orties. Je devrai me contenter, dans une haie vive clôturant une ferme, d’un chapardage de mûres mûres (chut !).
Les villages anciennement desservis par le train portent des noms à rallonge plutôt insolites : Ducey-les- Chéris, Isigny-le-Buat, Saint-Hilaire- du-Harcouët. Ce dernier, un assez gros bourg, m’accueillera dans un petit bistrot sympathique où je cale mon estomac avec un boudin-aux- pommes-sauce-au-cidre (délicieux) et une mousse au chocolat (moins bonne que celle d’Annick). Sachant que mon étape du jour est courte, un peu assommé par le repas et par la chaleur sous le parasol fixé à ma table, je me laisse aller à la rêverie et pique même sans doute un petit somme : je suis en état de béatitude !
Le redémarrage est un peu dur pour franchir en sens inverse la vallée et retrouver la voie verte sur laquelle le pseudo-vent, généré par moi-même en fendant l’air, me rafraîchit délicieusement et me sort de ma torpeur. Au niveau de Mortain-Bocage, je quitte la Véloscénie, que je poursuivrai demain, pour m’élever vers le village. Ayant étudié sur ma tablette les courbes de niveaux, j’effectue un large lacet qui me permet d’éviter une montée trop raide et, du même coup, d’aller voir le site nommé « Grande Cascade de Mortain ». C’est assez beau, mais l’emploi abusif du qualificatif « grande » ne s’explique, selon des promeneurs locaux, que par le fait qu’il en existe une autre encore plus petite !
La Grande cascade de Mortain |
Un petit tour du village, une pause- pression au bar, et me voici dans un petit hôtel-restaurant qui ne fait pas restaurant le week-end. Je ressortirai pour aller dîner en ville. Et demain l’aventure peut continuer.
Etape 12 - 15 septembre 2019 - 79 km
De Mortain Bocage à Moulay
Dîner à priori léger hier soir au restaurant du village : jambon braisé (mais avec sauce au poiré) et tarte Tatin (mais avec boule de glace vanille).
Ce matin, ayant devant moi une étape assez longue et mon hôtel ne servant pas de petit-déjeuner le dimanche, je pars avant 8 heures, le ventre vide. Une nouvelle belle journée ensoleillée s’annonce, mais il fait encore très frais au départ et je n’accélère pas dans la descente qui me ramène à la voie verte abandonnée hier. Le soleil levant mettra du temps à dissiper les bancs de brume et à réchauffer l’air.
La voie verte au soleil levant |
En cette heure matinale, je suis seul et le moment est propice à l’observation des animaux : des lapins de garenne passent d’un pré à un autre en traversant la voie, deux jeunes chevreuils me regardent passer. Les oiseaux, pour lesquels les arbres, les haies et les friches bordant la voie constituent une niche écologique, me gratifient de leurs chants.
Peu avant Domfront, je quitte définitivement la Véloscénie en remerciant les ingénieurs et les ouvriers qui avaient conçu et bâti la voie ferrée initiale et les institutions qui ont décidé de la convertir en voie verte. Je m’insinue dans le bocage en empruntant de petites routes désertes et en retrouvant sans déplaisir un peu de vallonnement. A Torchamp, je rejoins en même temps la vallée de la Varenne (affluent de la Mayenne) et une nouvelle véloroute, La Vélo Francette, que je vais suivre pendant deux jours et qui, dans son intégralité, relie Ouistreham à La Rochelle.
La Varenne près de Soucé |
Ce n’est qu’au joli petit village fleuri de Saint-Fraimbault que je trouve enfin un bar-épicerie où je pourrai, vers 10h30 seulement, prendre un café et un croissant. Je fais aussi quelques courses pour me constituer un repas pour ce soir car je serai dans une ancienne ferme isolée ne faisant pas table d’hôte le dimanche.
Peu après, je retrouve une nouvelle voie verte empruntant une autre ancienne voie ferrée. Je prends le temps de lire quelques panneaux informatifs, dont l’un sur le blaireau qui indique que cet animal est plutôt futé et qu’il pourrait protester contre l’usage que l’on fait de son nom pour désigner certains humains.
A Ambrières-les-Vallées, ville morte en ce dimanche midi, et même habituellement selon un pêcheur à la mouche rencontré au bord de la rivière, les rares commerces sont fermés à l’exception heureuse d’un petit restaurant dont je serai le seul client en acceptant de consommer le plat du jour de la veille, un consistant Chili con carne.
En poursuivant sur la voie verte, j’ai la surprise d’arriver sur une portion où les rails ont été conservés pour faire circuler des vélos-rails, de drôles d’engins à 4 roues, pouvant embarquer 4 personnes, qu’il faut actionner en pédalant à deux. Cela a un certain succès auprès des familles qui, pour 17 €, peuvent faire un aller-retour d’environ 3 kilomètres en allant jusqu’à un viaduc passant au-dessus de la Mayenne. Le problème est que, lorsque deux de ces bolides arrivent face à face sur la voie unique, il faut que l’un des deux accepte de dérailler.
Plus loin, je fais le forcing pour rattraper, puis doubler, un couple de plus jeunes et plus légers que moi, madame avec assistance électrique. Mais ils me redépasseront bien vite, je me ferai progressivement distancer et, après ce jeu stupide, j’arriverai à Mayenne (la ville cette fois) passablement fatigué. Il me faudra un Schweppes bien Tonic pour récupérer.
La Mayenne à Mayenne |
Les quelques derniers kilomètres, pour sortir de la vallée par une route un peu fréquentée et atteindre ma chambre d’hôte du soir perdue dans la campagne, sont assez pénibles sous le soleil donnant à pleins rayons en cette fin d’après-midi.
Mais me voilà rendu et l’aventure peut continuer.
La trace du jour |
Etape 13 - 16 septembre 2019 - 86 km
De Moulay à Ménil
Hier soir comme ce matin, mes logeurs ont été très occupés et je les ai peu vu. Encore tous deux en activité et avec deux jeunes enfants, ils me semblent concevoir leurs chambres d’hôte comme un business supplémentaire.
Après avoir vu hier la Mayenne à Mayenne, je me dirige ce matin vers l’aval et Laval en empruntant le chemin de halage transformé en voie verte. C’est très agréable entre la rivière et les bois ou les pâturages. On retrouve les arbres habituels des bords d’eau comme les saules et les aulnes, mais aussi des érables et quelques grands frênes. Après dissipation des brumes matinales, de parfaits reflets se dessinent dans les eaux grâce au grand soleil à nouveau présent aujourd’hui.
Reflets sur la Mayenne |
Sur cette section, on ne trouve qu’un éclusier ambulant pour trois écluses et les maisons éclusières, à l’architecture moins gracieuses que sur d’autres canaux, sont à l’abandon. Autre désagrément, les eaux de la Mayenne sont troubles et verdâtres, vraiment peu attirantes. Un monsieur, qui traverse le chemin pour remplir deux arrosoirs à destination de ses fleurs souffrant de la sécheresse, me dit que cela est dû au niveau particulièrement bas du niveau de l’eau cette année.
Maison éclusière abandonnée |
Je me ravis des noms charmants et insolites donnés aux écluses, comme la Nourrière ou la Fourmondière. A cette dernière, la maison éclusière a été transformée en bar-restaurant... fermé le lundi et cela me ravit moins car j’avais envie d’un café. Heureusement, le revêtement de la voie est bien damé et permet de rouler à bonne allure, ce qui me permet d’arriver à Laval plus tôt que prévu et de satisfaire mon envie au premier bar qui se présente.
J’entre en contact téléphonique avec mes amis Michelle et François et nous nous retrouvons comme convenu au sud de la ville sur une aire de pique-nique. Venus en voiture de chez eux à Angers, ils apportent de quoi manger plus qu’il n’en faut, sans avoir oublié la bouteille de Muscadet. François va se joindre à moi pour pédaler cet après-midi et demain, et Michelle faire voiture suiveuse jusque ce soir.
De Laval à Château-Gontier, les écluses s’espacent et les maisons éclusières sont restaurées et même, pour certaines, un peu fleuries. Le schéma est toujours le même avec un large déversoir pour la rivière à côté de l’étroit canal pour l’écluse, un moulin imposant à étages entre l’écluse et le déversoir, un moulin plus petit à l’autre extrémité, et curieusement une colonie de mouettes rieuses invariablement posées sur la partie supérieure du déversoir. Les moulins sont bien sûr désaffectés et rarement restaurés, surtout les grands dont certains menacent de s’effondrer.
Moulin, déversoir et mouettes
Nous nous arrêtons à l’écluse de Briassé pour distraire un peu l’éclusier intérimaire, et plus loin à une maison éclusière où est installée une coutellerie. Des stages y sont organisés permettant aux participants de fabriquer leur propre couteau. François est intéressé et tentera de se faire offrir la chose pour son prochain anniversaire...
Nous sommes ce soir dans une charmante maison d’hôte au sud de Châteaux-Gontier où nous avons retrouvé Michelle. Un bon repas nous a été servi sur la terrasse arrosé d’une bouteille de Saint-Joseph provenant de la cave de François.
Au final pour moi, la plus longue étape de ma vie de cycliste, mais sans difficulté sur cette belle voie verte et avec le plaisir de retrouver deux amis. L’aventure peut continuer.
La trace du jour |
Etape 14 - 17 septembre 2019 - 67 km
De Moulay à La Flèche
Après un bon petit-déjeuner ce matin dans notre maison d’hôte très recommandable, où Michelle et François reviendront peut-être, nous repartons sur nos vélos, François et moi, pour la dernière journée de mon périple. Il va s’agir de rallier La Flèche, hors de toutes véloroutes répertoriées, en passant de la Mayenne à la Sarthe puis de la Sarthe au Loir, et en n’empruntant que de petites routes à faible circulation.
Nous continuons d’abord à descendre vers le sud par la toujours très belle voie verte le long de la Mayenne jusqu’à Daon où se trouve un pont pour franchir la rivière. Nous avions envisagé d’emprunter un bac situé tout près de notre point de départ, mais celui- ci ne fonctionne que du 15 avril au 15 septembre. Nous avons donc rater le bac de peu, mais, à nos âges, on ne pédale plus après les diplômes.
La Mayenne à Daon |
L’itinéraire que nous avons conçu se révèle moins vallonné que ce que je craignais et traverse agréablement la campagne. Des vaches, mais aussi des chevaux, occupent les prés et nous apercevons aussi deux chevreuils. Dans les champs, on trouve un peu de tournesol, quelques pommiers protégés de la grêle par des filets, d’assez vastes étendues de framboisiers (selon moi) ou de groseilliers (selon François), mais la culture dominante reste celle du maïs. Toutes ces cultures souffrent manifestement de la sécheresse et certaines parcelles jaunies ou carrément desséchées font pitié.
Nous assistons à la récolte rondement menée du maïs : les tiges entières sont sectionnées à la base et broyées par une machine qui déverse son produit dans une grande remorque tirée par un tracteur qui doit avancer en parallèle de la machine et au même rythme. Ce maïs broyé, qui comporte plus de feuilles et de tiges que d’épis, est emporté pour ensilage vers les fermes et servira pour la nourriture des bêtes en hiver. Nous rencontrons d’ailleurs plus de tracteurs que de voitures sur nos petites routes. Quelques belles demeures ou petits châteaux se laissent apercevoir et nous prenons le temps d’observer le curieux clocher tors de Chemiré-sur-Sarthe.
Le clocher tors de Chemiré-sur-Sarthe
Nous faisons une pause-café à Morannes dans un bar-jeux-tabac comme on dit maintenant, signe de la place prépondérante prise par les jeux de hasard dans ce type de commerces, même si le verre de blanc siroté au comptoir garde ses fidèles.
La Sarthe à Morannes
Après une matinée dans la grisaille, le soleil fait son apparition lorsque nous nous arrêtons à Notre-Dame- du-Pé à l’Auberge du Braconnier, en réalité un simple restaurant ouvrier, où nous mangeons et buvons à satiété. Nous craignions quelque peu le soleil de l’après-midi, mais le voile gris reprendra vite possession du ciel. Notre avancée se poursuit donc sans peine dans des paysages identiques à ceux du matin.
Nous atteignons le Loir à Bazouges et rejoignons l’itinéraire fléché de la véloroute « Le Loir à vélo » qui nous conduit à La Flèche sans encombres. Une bonne bière d’Alsace nous fait patienter en attendant Michelle qui viendra récupérer François en voiture. Nous nous séparons donc après ces deux belles journées passées ensemble et il ne me reste que quelques kilomètres en solitaire pour arriver au terme de mon périple chez mon frère Jean-Pierre, Delphine et leur petit Max.
L’aventure prend ainsi fin, mais un dernier article pour en faire le bilan sera publié dans les prochains jours...
Le bilan - 19 septembre 2019
Comme les années précédentes, je n’ai pas un grand entrain pour écrire un bilan à chaud de ma petite aventure. Mais, si je laisse passer du temps, j’y renoncerai sûrement.
J’ai parcouru en 13 jours et demi environ 840 kilomètres, ce qui fait une moyenne de 62 km par jour. C’est tout à fait comparable aux périples des deux années précédentes, le tour de Bourgogne et le parcours de la Charente à la Loire. Je suis assez satisfait de constater que mes capacités, du moins en matière de pédalage, ne semblent pas trop diminuer avec l’âge. Mes petites douleurs matinales sont allées en diminuant au fil des jours et, globalement, ne se sont pas manifestées davantage qu’à la case.
Je n’ai connu qu’une frayeur (ma chute, heureusement sans gravité) et une contrariété (le temps gris et pluvieux lors des étapes le long de la Manche). Hormis ces deux points, mon parcours a été tout à fait agréable. J’en ai beaucoup apprécié la diversité avec les chemins le long des canaux, des rivières ou de la rigole d’Hilvern, et les petites routes ou les anciennes voies ferrées à travers la campagne ou en bord de mer. Je me suis extasié, un peu béatement, sur le vol d’un héron, un reflet dans l’eau, un troupeau de vaches, deux chevreuils ou un cheval solitaire, une écluse fleurie, un corps de ferme, une lande multicolore, un îlot au large, une petite crique,...
Mes hébergements m’ont dans l’ensemble donné satisfaction, en regrettant cependant que plusieurs structures ne tiennent pas leurs promesses en matière de repas du soir. Je me suis régalé de galettes et de crêpes accompagnées de cidre ou de poiré, ainsi que de moules, bulots et huîtres arrosés de vin blanc. Et j’ai apprécié aussi les petits restaurants ouvriers du midi au rapport qualité/prix imbattable.
Comme d’habitude, je n’ai fait que traverser les villes sans visiter leurs édifices remarquables, presque tous à caractère religieux, ni leurs musées. Mais je me suis beaucoup intéressé à l’histoire des canaux et des anciennes voies ferrées. Les tout petits villages, où les bistrots ont disparu contrairement aux églises surdimensionnées, ne m’ont pas séduit. J’ai préféré les bourgs avec leurs centres aux belles maisons anciennes et leurs marchés aux produits appétissants.
Bien que je sois à la recherche de moments de calme et de solitude, propices à mes rêveries ou pensées secrètes, j’ai aimé retrouver plusieurs amis pour de beaux moments de partage à vélos (vrais ou assistés) ou autour d’une table (de pique-nique ou de restaurant). Merci à eux. Merci aussi à ceux qui m’ont suivi par mes articles quotidiens ou encouragé par leurs messages. Et merci surtout à Marie-Claude qui m’a autorisé à vivre cette nouvelle aventure.
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